lundi 18 avril 2011

La reconstruction du Japon : un enjeu pour les yakuzas


Avec un coût estimé à 300 milliards de dollars, le tsunami qui a ravagé le Japon le 11 mars 2011 est un défi pour le gouvernement de l’archipel. Ce chalenge économique est doublé d’un enjeu politique, en effet, la mafia japonaise, les yakuzas pourraient profiter de la situation pour faire leur grand retour.

Les yakuzas et la reconstruction du Japon après guerre
A la fin de la seconde guerre mondiale, les mafias japonaises ont proliférées dans l’archipel. Le chaos, l’occupation américaine et la montée du péril communiste en Chine ont permis aux mafias de prendre un rôle légitime au sein de la société japonaise. Elles organisaient la prostitution, géraient le marché noir, luttaient contre les mafias coréennes et taïwanaises, servaient de briseuses de grèves ce qui permettait de relancer l’économie ravagée par la guerre. Le pouvoir des yakuzas va s’étendre rapidement du fait d’un double assentiment : d’un côté ils bénéficient dans l’ombre de l’appui des hommes politiques et de la police, et sont en plus nécessaires à la société d’après-guerre, le marché noir restant le seul moyen de survie pour la majorité des japonais. L'organisation criminelle japonaise devient donc un des piliers du Japon, avec l'assentiment des forces d’occupations, qui voyaient en elle une « force régulatrice ».

Mais dans les années 1990, tout change, les américains sont excédés de l’implantation des mafias japonaises aux USA, la chute de l’URSS fait de la lutte contre le communisme un enjeu moins pressant. La société civile ne soutient plus les yakuzas qui sont devenus trop puissant, brident l’économie avec le racket et surtout les rivalités entre les familles fait couler trop de sang, y compris celui des innocents.
Le gouvernement japonais fait voter une loi Antigang le 1er mars 1992. Les groupes mafieux se construisent donc une légitimité. Ils se transforment en association caritatives, en entreprises légales et diversifient leurs activités. Les yakuzas s’implantent dans l’immobilier, les jeux, les trafics d’armes et de drogues ainsi que l’immigration clandestine.
La frontière entre les activités légales des entreprises et les activités illégales s’estompent et notamment grâce aux salles de jeux et aux constructions immobilières qui permettent de blanchir de grande quantité d’argent.

Le séisme de Kobé
Lors du séisme de Kobé en 1995, l’aide du gouvernement était complètement désorganisée. Le groupe des Yamaguchi-gumi a rapidement déployé ses troupes dans les régions sinistrées et à distribué des denrées alimentaires mais également des matériaux allant jusqu’à mobiliser un hélicoptère. Dans la reconstruction qui a suivit, le groupe mafieux a engrangé des milliards en contrat immobilier.

Le séisme et le tsunami de mars 2011
Dans la nuit du 12 au 13 mars, soit le lendemain du drame, les camions affrétés par les Inagawa-kai ont transportés plus de 50 tonnes de matériel (nourriture, couvertures de survie, eau potable, etc.). 70 camions ont fait le voyage depuis Tokyo par les routes secondaires et lorsque les camions ne pouvaient plus avancer, les marchandises étaient portées par les hommes eux même jusque dans les régions irradiées et sans aucune protection.
Dans les situations d’urgence comme celle que le Japon vit actuellement, une trêve de quelques semaines est tacitement décrétée entre les groupes criminels et la police.
Ce qui permet aux yakuzas de redorer leur blason auprès de la société civile et faire oublier que l’argent derrière ces aides vient du racket des habitants de la région.

Sources :
Antoine Bouthier – « La reconstruction après le séisme, un enjeu pour la mafia japonaise » – LEMONDE.FR | 25.03.11 | 19h20 • Mis à jour le 25.03.11 | 20h55 http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/03/25/la-reconstruction-apres-le-seisme-un-enjeu-pour-la-mafia-japonaise_1498556_3244.html
William Pesek – « Yakuza Salivate Over New Construction Paradise » – Bloomberg Business Week – March 24, 2011 http://www.businessweek.com/news/2011-03-24/yakuza-salivate-over-new-construction-paradise-william-pesek.html
Jake Adelstein – « Yakuza to the Rescue » – The Daily Beast – March 18, 2011 http://www.thedailybeast.com/blogs-and-stories/2011-03-18/japanese-yakuza-aid-earthquake-relief-efforts/


Par AD

lundi 11 avril 2011

Le charbon, une énergie d’avenir ?

Le charbon est aujourd’hui la deuxième source d’énergie dans le monde après le pétrole. Le charbon est principalement utilisé pour la production d’électricité. 40% de la production mondiale d’électricité vient d’ailleurs des centrales à charbon. La croissance de la consommation de charbon à atteint 36% entre 2000 et 2007, ce qui en fait l’énergie au plus fort taux de demande. Il est également indispensable à la production d’acier.

Une source d’énergie primordiale
Le charbon dont les réserves sont plus importantes que celles des hydrocarbures servira probablement de substitut après le pic de production pétrolier qui devrait intervenir avant 2030.
Ce rôle d’alternative est renforcé par les grandes réserves de charbon disponibles. Selon le World Energy Council, les réserves prouvées de charbon atteignent 847 milliards de tonnes soit, au rythme de production actuelle, des réserves pour 145 ans. Les mêmes sources estiment que l’épuisement de réserves de pétrole arrivera d’ici à 40 ans et celles de gaz naturel dans 65 ans.

Le charbon est néanmoins extrêmement handicapé par ses performances environnementales. L’utilisation du charbon se fait principalement dans des centrales électriques anciennes des pays en développement. Ainsi selon Bataille et Birraux (voir sources) « les dommages causés par le fonctionnement d’une centrale au charbon à  vapeur sont quatre fois plus importants que ceux d’une centrale à  gaz et près de cent soixante fois supérieurs à  ceux d’une centrale nucléaire. » En particulier, les « émissions de CO2 d’une centrale à  charbon, [...] sont deux fois plus élevées que celles d’une centrale à  gaz et quarante fois plus fortes que celle de l’ensemble constitué par une centrale nucléaire et le cycle du combustible utilisé. »
Selon l’AIE, le charbon contribuerait ainsi à  41% des émissions mondiales de CO2 en 2005 (contre 39% pour le pétrole et 20% pour le gaz naturel) et pourrait représenter 43% d’ici 2030.

Enjeux géopolitiques

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La géographie de la production de charbon a beaucoup évolué dans les 50 dernières années. L’Europe n’y joue plus qu’un rôle mineur supplanté par les USA, la Russie et les pays asiatiques.
55% du charbon mondial est produit par seulement deux pays, la Chine et les USA. Si on ajoute la Russie, l’Inde, l’Australie et l’Afrique du Sud, 78% de la production mondiale de charbon est faites par seulement six pays. Cette concentration de la richesse est bien plus importante que celle du pétrole ou du gaz. Néanmoins à court terme, le charbon ne sera pas sensible aux enjeux géopolitique classiques. En effet, 84% du charbon est consommé dans le pays qui le produit (contre 40% pour le pétrole).

A moyen et long terme néanmoins, la répartition des réserves devrait faire apparaitre un danger géopolitique. La Chine consomme en effet 41% du charbon mondial et en produit 39%. Mais ses besoins vont augmenter considérablement alors que le pays ne possède que 13% des ressources mondiales prouvées. La Chine pourrait devenir dépendante de la Russie et des USA pour son approvisionnement en charbon. Ceci s’ajoutera alors un nouveau degré de complexité entre le deux premières puissances mondiales.


Sources :
Wikipédia (en particulier pour les cartes)
Philippe Subra – « Le charbon, énergie du passé, énergie du futur » – 50 fiches pour comprendre la géopolitique – Editions Bréal – aout 2010
Sia Conseil – « Le charbon : rapide état des lieux sur la deuxième source d’énergie mondiale » – Energie & Environnement – 23 février 2007 http://energie.sia-conseil.com/20070223-le-charbon-rapide-etat-des-lieux-sur-la-deuxieme-source-d%E2%80%99energie-mondiale/
C. Bataille, C. Birraux, « Les nouvelles technologies de l’énergie et la séquestration du dioxyde de carbone : aspects scientifiques et techniques », 2006.

Par AD

mardi 5 avril 2011

Révoltes dans les pays arabes : quelle place pour al-Qaida ? (2/2)

 Après la zone du Maghreb et le groupe al-Qaida au Maghreb Islamique (dans notre article précédent), nous nous intéressons ici à la situation au Yémen et plus particulièrement au groupe al-Qaida pour la péninsule arabique.
Manifestation à Sanaa

Al-Qaida pour la Péninsule Arabique (AQPA)
La zone d’action d’AQPA contient l’Arabie Saoudite où Ben Ali s’est réfugié mais également le Yémen qui est en proie à des troubles importants.
Le Yémen est, depuis des années, partagé par la présence au nord de chiites qui demandent une plus grande reconnaissance, par les revendications du sud du pays réclame son indépendance et veut l’arrêt de l’occupation par le nord et la présence de groupes islamistes armés s’opposant au président Ali Abdullah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans et abandonné par une partie de son armée.
La révolte, dans l’un des pays arabes les plus pauvres, a démarré en janvier 2011 et n’a cessé de s’amplifier. A tel point que, selon l’AFP, des membres supposés appartenir à AQPA ont pris, le 27 mars, le contrôle de la ville de Jaar, située dans la province d’Abyane, dans le sud du Yémen. AQPA contrôlerait la caserne, la radio publique de la ville mais également une usine de munitions située dans les faubourgs et qui fabriquent des cartouches pour les AK-47.

Si la situation est confirmée, cela serait préoccupant. En effet, c’est AQPA qui a revendiqué les colis piégés de la fin de l’année 2010 mais c’est surtout un front chaud pour les États-Unis dans la guerre contre le terrorisme. Les USA ont déployés des drones qui permettent d’effectuer des tirs de missiles ciblés pour éliminer les membres présumés du groupe.
Mais c’est surtout l’Arabie Saoudite, qui a déjà intervenu dans le pays en 2009, qui craint la contagion de la révolte à la province chiite du Hasa, forte en pétrole. De plus la famille royale saoudienne a, par le passé, été la cible d’AQPA et l’instauration d’une base arrière solide dans ce pays frontalier serait une menace intolérable pour le royaume. Rappelons que ce dernier intervient déjà militairement à Bahreïn pour aider le régime sunnite à contenir la révolte des chiites dans le cadre du Conseil de coopération du Golfe et de l’opération Bouclier de la Péninsule.

Conclusion
Rappelons que les groupes apparentés à al-Qaida ont mis un temps relativement long avant de s’impliquer dans les révoltes arabes et plus important, ils ne l’avaient pas vu venir. Les groupes islamistes sont-ils alors déconnectés de la rue arabe ? Il le semble.
Ce qui est positif, néanmoins, c’est qu’al-Qaida n’apparait pas pour les citoyens des pays musulmans comme une solution à leurs problèmes politiques. Ces pays sont sur la voie de la démocratie et de cela, il faut se réjouir.

Sources :
- Zone Militaire – « Yémen : al-Qaïda s’empare d’une ville » – OPEX36028 mars 2011 – 15:55 http://www.opex360.com/2011/03/28/yemen-al-qaida-sempare-dune-ville/
- AD – « Géopolitique du monde chiite» – GlobalAnalysis France – 28 mars 2011 http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2011/03/geopolitique-du-monde-chiite.html
- Alain Rodier – « Al-qaida dépassé par les révoltes du monde arabe » – Centre Français de Recherche sur le Renseignement – 06/03/2011 http://www.cf2r.org/fr/notes-actualite/al-qaida-depasse-par-les-revoltes-du-monde-arabe.php
- Rajeh Said – « Al-Qaida oublié dans les révolutions arabes» – Magharebia – 3 mars 2011 http://www.magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/features/awi/features/2011/03/03/feature-02
- Abdelwahab Meddeb – « La "révolution du jasmin", signe de la métamorphose de l'histoire » – Le Monde – 18 janvier 2011 http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/17/la-revolution-du-jasmin-signe-de-la-metamorphose-de-l-histoire_1466684_3232.html
- AD – « Al Qaida aujourd’hui » – GlobalAnalysis France – 26 novembre 2010 http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2010/11/al-qaida-aujourdhui.html
- AD – « Les enjeux du Yémen » – GlobalAnalysis France – 13 janvier 2010 http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2010/01/les-enjeux-du-yemen.html
Par AD

lundi 4 avril 2011

Révoltes dans les pays arabes : quelle place pour al-Qaida ? (1/2)

Comme nous l’avons vu précédemment dans ces colonnes ( « Al Qaida aujourd’hui » ) al-Qaida n’est probablement plus qu’une marque de fabrique utilisée par des groupes terroristes régionaux qui partagent plus ou moins les mêmes objectifs. C’est dans cette optique que nous nous proposons d’analyser l’implication des groupes se réclamant d’al-Qaida dans les soulèvements populaires dans le monde arabe et au Moyen-Orient.

Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI)
La zone d’action d’AQMI contient potentiellement la Tunisie où le président Ben Ali a été renversé le 14 janvier 2011, l'Égypte où le président Moubarak a abandonné le pouvoir le 11 février 2011 ainsi que la Libye en proie à une guerre civile à laquelle vient se mêler une coalition internationale dirigée par la Grande Bretagne et la France.

Dans les deux premiers pays, le pouvoir vacant est occupé par l’armée. Le risque d’une contagion par le groupe islamiste est donc modéré. Néanmoins, il subsiste la possibilité de l’instauration d’un régime à tendances islamistes qui pourrait alors abriter les militants terroristes. Cela pourrait être le cas par exemple en Égypte où les Frères Musulmans restent une force politique importante malgré leur interdiction sous Moubarak. Ce pays a l’avantage d’avoir une frontière terrestre avec la bande de Gaza ainsi qu’Israël et serait une base avancée idéale pour AQMI.  Mais ce scénario est pour l’instant peu probable et l’inquiétude vient principalement de la situation en Libye.

En effet, même si les déclarations du colonel Kadhafi, qui affirme que la rébellion de son pays n’est qu’un trouble passager orchestré par al-Qaida, ne semblent être qu’un délire paranoïaque d’un dictateur en perte de vitesse, AQMI a vraisemblablement un rôle dans la guerre civile.
Tout d’abord Kadhafi est connu pour avoir par le passé utilisé des groupes terroristes pour son propre intérêt : attentat dans une discothèque berlinoise fréquentée par des militaires américains en 1986, attentat de Lockerbie en Écosse contre un avion de ligne civil qui explose en plein vol en 1988, ou encore attentat contre le vol 772 UTA reliant Brazzaville à Paris en 1989. Il est donc probable que les mercenaires qu’il a recruté pour la contre-offensive contre les rebelles soient liés à des groupes terroristes. Certaines informations parlent même spécifiquement de groupes Touaregs qui seraient régulièrement en affaire avec AQMI.

Mais il ne faut pas oublier que Kadhafi a été la cible dans les années 1990 du Groupe Islamique Combattant en Libye qui fera partie d’AQMI avant de rendre les armes en 2010 après la mort de son chef. Le groupe combattait en Irak et en Afghanistan et il est tout a fait probable que les combattants libyens soient rentrés chez eux pour participer à la rébellion.
Mais le plus inquiétant est le chaos qui s’empare du pays à la faveur de la guerre civile. Un agent de renseignement malien, une source militaire nigérienne et le président tchadien Idriss Deby Itno affirment que les militants d’AQMI ont profités de la situation. De l’abandon des casernes et bases aériennes par l’armée libyenne pour récupérer du matériel militaire libyen et notamment des pièces d’artillerie ainsi que des missiles sol-air.
Même si tout cela demande encore à être confirmer, l’idée que le groupe al-Qaida au Maghreb Islamique profite du chaos ambiant est fort probable.

A suivre … dans la deuxième partie ici

Sources :
- Zone Militaire – « Des militants islamistes combattraient dans les rangs des rebelles libyens » – OPEX36027 mars 2011 – 17:16 http://www.opex360.com/2011/03/27/des-militants-dal-qaida-combattraient-dans-les-rangs-des-rebelles-libyens/
- Alain Rodier – « Al-qaida dépassé par les révoltes du monde arabe » – Centre Français de Recherche sur le Renseignement – 06/03/2011 http://www.cf2r.org/fr/notes-actualite/al-qaida-depasse-par-les-revoltes-du-monde-arabe.php
- Rajeh Said – « Al-Qaida oublié dans les révolutions arabes» – Magharebia – 3 mars 2011 http://www.magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/features/awi/features/2011/03/03/feature-02
- Abdelwahab Meddeb – « La "révolution du jasmin", signe de la métamorphose de l'histoire » – Le Monde – 18 janvier 2011 http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/17/la-revolution-du-jasmin-signe-de-la-metamorphose-de-l-histoire_1466684_3232.html
- AD – « Al Qaida aujourd’hui » – GlobalAnalysis France – 26 novembre 2010 http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2010/11/al-qaida-aujourdhui.html

Par AD