lundi 28 avril 2008

Géopolitique de la piraterie moderne

Après l’acte de piraterie qu’a subit le voilier Le Ponant dans le golfe d’Aden, du 4 au 11 avril 2008, nous avons voulu revenir sur la piraterie moderne et surtout proposer une analyse géopolitique de la situation actuelle.

I) Modes opératoires

Revenons tout d’abord sur la définition et les modes opératoires de la piraterie moderne, qui n’a pas grand-chose à voir avec celle de l’imaginaire collectif.

Au sens du droit international, il s’agit pour des individus ou des groupes d’individus de mener des actions de vol, d’enlèvement, de meurtre, de sabotage ou de séquestration sur des navires en pleine mer, au mouillage ou au port.

On peut distinguer deux grands types de piraterie, même si la loi internationale ne reconnaît pas de distinctions.

La « petite » piraterie regroupe les faits commis par des pirates occasionnels qui sont le plus souvent des pêcheurs ou des habitants des côtes pauvres et qui s’attaquent à des bateaux de pêche, et/ou à des yachts qui croisent à proximité des côtes. Ils menacent l’équipage, volent leurs effets personnels, le contenu du coffre du bord et repartent avec tout ce qu’ils peuvent emporter.

Ils attaquent principalement de nuit avec des embarcations rapides et des armes légères.

La « grande » piraterie est dirigée contre des bâtiments plus gros. Des commandos de pirates expérimentés s’attaquent à des porte-conteneurs, des barges et parfois des pétroliers. Ils cherchent à s’emparer de la cargaison qu’ils pourront revendre, à faire payer à l’armateur une rançon pour l’équipage et/ou le navire. Certains pirates vont plus loin et volent la cargaison mais également le navire. Dans ce cas ils débarquent ou abattent les membres d’équipages et revendent le navire avec des faux papiers, d’après certaines sources un navire peut être revendu entre 20.000 et 30.000 € sur le marché noir. Ce type de pirates est plus organisé puisqu’ils font partis de réseaux de revente internationaux et pour les vols de navires, ceux-ci sont souvent vendus avant même qu’ils soient pris. Ainsi en 1998, un pétrolier transportant une cargaison, de près de trois millions de dollars a été détourné. Puis en 1999, un cargo transportant pour dix millions de dollars d’aluminium a été détourné également.

Ces pirates agissent toujours de nuit, plus loin des côtes que les « petits » pirates et sont surtout mieux équipés. Ils possèdent des armes automatiques (AK 47, AK 57, M16) des lance-roquettes (type RPG 7), ils ont recours à des téléphones portables pour synchroniser leurs actions à partir de hors-bords. Certains groupes sont même suspectés d’écouter les communications satellites afin d'obtenir des informations sur le mouvement des navires et l’état des équipages.

II) Répartition géographique

Voyons maintenant la répartition géographique des actes de pirateries.

Aujourd’hui, les régions sensibles sont l’Asie du sud, le golfe de Guinée dans l’Atlantique, le long des côtes de Somalie et du golfe d’Aden dans l’océan Indien, dans la mer des Caraïbes et à proximité des ports brésiliens en Amérique du Sud.

La première région en terme de nombre d’attaque est l’Asie du Sud. En particulier le Golfe du Bengale, les détroits de Malacca et de Singapour, les eaux territoriales indonésiennes et la Mer de Chine Méridionale. Toutes ces zones ont en commun d’être les routes commerciales que prennent les hydrocarbures, les matières premières, etc., en provenance d’Europe, du Moyen-Orient et qui vont vers la Chine, le Japon et la Corée.

Mais cette réalité ne doit pas faire oublier que la région où la plus forte progression en nombre d’actes de pirateries est observée est la corne de l’Afrique. En 2007, 42 incidents ont été reportés au Nigeria dont 25 pour la seule zone de Lagos et 31 incidents ont été reportés en Somalie.

De plus le détroit de Malacca n’est plus considéré comme route maritime classée dangereuse par le Lloyd’s Register depuis la fin 2006. On assiste donc a un glissement géographique de la répartition des actes de pirateries. Ce qui amène les armateurs à modifier leurs comportements.

III) Evolutions politico-économiques

Les estimations actuelles chiffrent le préjudice annuel subi par le commerce mondial à 16 milliards de dollars. Voila pour l’aspect macro-économique.

Les motivations pour commettre des actes de pirateries ont peu évolué mais leurs origines politiques sont la cause de ce glissement géographique.

Pour commencer, la crise économique et financière de 1997 en Asie, a entraîné une instabilité politique forte en Thaïlande et en Indonésie : les différents événements du Timor, des Moluques et d’Aceh ont favorisé le trafic d’armes et la piraterie qui est partie prenante de ce trafic.

Ensuite pour l’Asie il semble que les cargaisons volées soient écoulées en Chine où le nombre de petits ports et la corruption permettent de faire disparaître les produits. Il est possible aussi que l'armée indonésienne ait été ou soit impliquée dans les actes de piraterie.

Le changement dans la politique, notamment de la Chine et la nouvelle organisation des pouvoirs régionaux a fait reculer la piraterie dans cette région du monde.

Mais en même temps, la situation en Afrique de l’Est se dégradait.

Les difficultés de l'État somalien, son état chaotique et le manque de pouvoir central ont favorisés l'augmentation de la piraterie autour de la Somalie. Bien que la piraterie ait temporairement diminué lors de la croissance de l'influence de l'Union des tribunaux islamiques en 2006, l'invasion de la Somalie par l'Éthiopie en décembre 2006 a détérioré la situation. Depuis lors, le gouvernement fédéral de transition a tenté de combattre la piraterie notamment en autorisant théoriquement les navires étrangers dans les eaux somaliennes.

Mais le chaos répandu dans la région a permis aux pirates de s’établir durablement et de menacer les navires même dans les eaux internationales.

IV) Préventions et perspectives

Le problème de la piraterie doit se régler au niveau international, puisque les pirates ne respectent pas les règles des eaux territoriales et attaquent parfois dans les eaux internationales.

Pour renforcer la collaboration entre les Etats voisins du détroit de Malacca un certain nombre de traités et des exercices conjoint des marines de guerre ont été mis en place. L’incarnation de ce processus est la mise en place en 1992 du Piracy Reporting Center à Kuala Lumpur en Malaisie. Il s’agit d’un centre de gestion de la piraterie pour la région. On y trouve des représentants des armateurs ainsi que des experts dans la négociation avec les pirates.

Il existe également des moyens techniques pour prévenir ou lutter contre les pirates. Notamment les alarmes silencieuses qui ne sont connues que de très peu de membres d’équipages et qui envoient un message par satellite. Mais également les armes défensives ou les systèmes de veille automatique. Citons également la gravure dans la coque de numéros propre au navire qu’il serait possible de lire sur l’arrière de la coque et ainsi identifier un navire. Cela permettrait de repérer un navire volé.

Les perspectives sont simples. Tant que les Etats ne s’associeront pas pour créer une structure internationale pour lutter contre la piraterie et tant que les situations économiques et politiques dans les régions stratégiques, comme le détroit de Malacca et le golfe d’Aden, ne s’amélioreront pas, on peut prévoir que la piraterie continuera à se répandre.

Une autre source d’inquiétude est la coopération entre pirates et terroristes. Notamment, les terroristes pourraient se tourner vers des cibles maritimes (comme l’USS Cole en 2000 dans le golfe d’Aden) et dans ce cas les pirates transféreraient leur expertise. On peut imaginer que les pirates agissent comme sous-traitants des terroristes en leur fournissant de l’argent, du matériel et même des armes. Le risque est que les pirates deviennent de plus en plus violents et aient recours aux meurtres et enlèvements plus régulièrement.

Enfin, ajoutons que le 12 avril 2008, François Fillon a lancé l'idée de la création d'une force internationale d'intervention « pour lutter contre la piraterie maritime et sécuriser le transit maritime » sous mandat de l'ONU. Cette proposition, si elle aboutit, pourrait être une ébauche de solution en permettant notamment d’unifier les règles maritimes internationales.

Pour conclure, nous pouvons dire que la piraterie est un danger important pour le commerce international. Le défaut de la réaction à ce danger est la dispersion des Etats sur le sujet. Dans l’avenir, il faudra lutter contre la piraterie comme on cherche à lutter contre le terrorisme. En fonctionnant en associations d’Etats qui partagent un intérêt ponctuel avant l’association internationale, par exemple sous l’égide de l’ONU. Ces groupes sont de toute façon appelés à se mêler pour augmenter leurs efficacités réciproques.

Glossaire :

Eaux territoriales : C’est la partie de mer côtière sur laquelle s'étend la souveraineté d'un État côtier. Sa largeur maximale est fixée à 12 milles nautiques (soit 22224 mètres, un mille nautique étant défini à 1852 mètres).

Eaux internationales ou haute mer, ce dernier terme étant le seul employé en droit de la mer, ce sont les zones maritimes qui ne sont sous la dépendance d'aucun État (par opposition aux eaux sous juridiction d'un État côtier). Toute revendication de souveraineté par un État y est illégitime.

Lloyd's Register est une société de classification maritime et d'assurances britannique.

Une société de classification est une organisation qui établit et applique des standards techniques au projet, à la construction et à l'inspection des facilités relatives à la marine, incluant les navires et les structures Off-shore.

Sources :

-Wikipédia, l’encyclopédie libre.

-La Piraterie – Grande criminalité en mer, Capitaine de Corvette Liche, Collège Interarmées de Défense

http://www.college.interarmees.defense.gouv.fr/IMG/pdf/LICHE_CC_A6_article_Tribune_v4-2.pdf

-La nouvelle Piraterie, Le Dessous des Cartes, ARTE, 26 août 2000.

-Entretiens de l’auteur avec des élèves officiers de la Marine Marchande.


Par AD pour GlobalAnalysis France.

jeudi 24 avril 2008

Présentation des auteurs par eux-mêmes

Voici une rapide présentation des auteurs membres fondateurs, nous espérons que d’autres se joindront à nous.
AD :
Ingénieur, spécialisé en Intelligence Économique et Analyse Stratégique.
Passionné de géopolitique, de stratégie militaire, des technologies de l’information, il est notre spécialiste en géopolitique, en stratégie et technologies militaires. Il intervient également sur les questions économiques, sur les théories de relations internationales (en particulier la théorie des civilisations) et sur les institutions internationales.

JS :
Ingénieur, Diplômé de  Sciences Po Paris.
Passionné par les cultures et civilisations de tout horizon. Il intervient sur toutes les parties relatives à l’Histoire et à la situation politique intérieure des régions qui sont décrites dans les articles. Il intervient également sur les questions concernant la construction européenne.
Vous pouvez nous contacter pour toutes questions sur les sujets traités à l’adresse :

lundi 21 avril 2008

Bienvenue sur globalanalysis France

Bienvenue sur ce blog sur lequel nous allons essayer de parler géopolitique de la manière la moins rébarbative possible.

Bien entendu c'est un sujet complexe mais qui est passionnant et qui permet d'avoir une meilleure connaissance du monde actuel et si possible de l'améliorer.

Seront publiées des informations sur la géopolitique, la stratégie, l'économie, la politique et les technologies appliquées à ces domaines. Le monde de l'intelligence économique, de la géo économie et de la finance seront également abordés.

J'espère que ce sujet vous passionnera autant que nous et que vous apporterez des commentaires constructifs auxquels nous serons toujours ouvert.

Vous pouvez également nous poser des questions sur les sujets traités ou nous suggérer des thèmes à traiter en écrivant à l'adresse suivante : globalanalysisfrance@gmail.com

A bientôt.