lundi 31 mai 2010

Gaza : un territoire sous perfusion

Le 29 mai six navires battant pavillon turc et transportant 700 militants pro-palestinien dont des eurodéputés ainsi que 10.000 tonnes d’aide partait de Chypre pour tenter de rallier la bande de Gaza. Le lendemain matin alors que les navires étaient encore dans les eaux internationales des commandos israéliens ont tenté de prendre le contrôle des bâtiments. Ils auraient rencontré une forte résistance et aurait tué une dizaine de personnes et blessé trente autres.

Histoire et géographie

À la fin du conflit israélo-arabe de 1948, la bande de Gaza est occupée par l'Égypte. Le territoire voit l'arrivée d'environ 170.000 réfugiés installés dans huit camps. En 1950, la population est de 254 000 habitants.
En 1956, quand Israël intervient dans la crise du canal de Suez en soutien de l'opération anglo-française contre l'Égypte, l'armée israélienne prend le contrôle de la Bande de Gaza et de la péninsule du Sinaï. Les pressions des superpuissances (États-Unis et Union soviétique) conduisent au retour d'Israël derrière ses frontières de 1949, et au retour de l'administration égyptienne sur Gaza.
Les forces israéliennes envahissent de nouveau Gaza dès le début de la guerre des Six jours (juin 1967), et prennent le contrôle du territoire. Ils installent à leur tour une administration militaire qui durera de 1967 jusqu’à l'avènement de l'Autorité palestinienne en 1994, puis au démantèlement de l'intégralité des blocs de colonies israéliennes en 2005.

Géographiquement, il s’agit d’une bande de terre de 41 km de long sur la côte orientale de la Mer Méditerranée, au Proche-Orient, et porte le nom de sa principale ville, Gaza. D'une largeur de 6 à 12 km, son territoire est entouré au nord, à l'est et au sud-est par l’État d'Israël, et au sud-ouest par l'Égypte. La bande de Gaza a la particularité d'être l'une des zones les plus densément peuplées au monde tout en n'étant juridiquement rattachée à aucun État

Événements récents
Lors de la seconde Intifada, Ariel Sharon, alors premier ministre, ce résout à préparer un plan de désengagement des colonies israélienne à Gaza. Ce plan est validé par la Knesset en octobre 2004 et commence officiellement le 15 aout 2005. Le 17 août 2005, le gouvernement israélien ordonne à l'armée et à la police l'évacuation des quelques 7.000 personnes habitants les colonies juives de la bande de Gaza. Le 22 août 2005, Israël met fin à la colonisation de la bande de Gaza. Le 12 septembre 2005, les troupes israéliennes quittent la bande de Gaza, après 38 ans.
Ce désengagement est revendiqué comme une victoire par le mouvement Hamas de plus en plus populaire dans la bande de Gaza. Les 27 janvier 2005 et 5 mai 2005, le Hamas remportait déjà la majorité des sièges municipaux suite à ses résultats aux premier et second tours des élections locales à Gaza (avec un taux de participation de 85 %). La position prédominante du parti Hamas dans ce territoire fait craindre à certains observateurs, une perte d'influence de l'Autorité palestinienne à l'issue de l'évacuation israélienne. Ces craintes sont avérées par les affrontements fratricides entre le Hamas et le Fatah dans la bande de Gaza en particulier.

En janvier 2006, le Hamas remporte les élections législatives et un de ces membres est nommé premier ministre. La collaboration avec l’appareil politique du Fatah et les relations avec la Cisjordanie sont difficiles. Après des affrontements inter-palestinien, le Hamas sort victorieux et prend le contrôle de la bande de Gaza en juin 2007.

Ces événements sont considérés comme un coup d’état par la communauté international. L’Union Européenne bloque pendant quelques jours les fonds destinés à payer les livraisons de fioul. Ce qui empêche la seule centrale électrique du territoire de fonctionner. Le manque de carburant a également paralysé le traitement des eaux usées et l'approvisionnement en eau. 30.000 m² d'eaux usées non traitées se sont écoulées dans la Méditerranée menaçant alors l'aquifère côtier et endommageant aussi les côtes égyptiennes et israéliennes. En outre, les hôpitaux sont en rupture de médicaments, entraînant la mort de nombreux patients non soignés et empêchant les habitants de bénéficier des traitements de base.
Néanmoins, le bras de fer continue, le Hamas a capturé en juin 2006, Gilat Shalit et les roquettes Qassam tombent sur le sud d’Israël. L’Etat Hébreux renforce le blocus, terrestre, maritime et aérien, jusqu’à déclencher le 27 décembre 2008, l’opération Plomb Durci où Tsahal envahira une partie de la bande de Gaza avec des blindés après avoir bombardé les positions du Hamas.
Lors du cessez-le-feu en le 18 janvier 2009, le bilan s'élève à 1.315 Palestiniens et 13 Israéliens tués ainsi que plus de 5.300 blessés côté palestinien.

Suite au blocus imposé par Israël à la bande de Gaza, la situation humanitaire s'était déjà fortement dégradée. L’« opération Plomb durci » a encore aggravé la situation malgré l'interruption de trois heures accordée par Israël pour permettre à l'aide humanitaire d'accéder sur le terrain. Mais le 8 janvier 2009, l'ONU suspend toutes ses activités à Gaza, mettant en cause l'armée israélienne après qu'elle a bombardé un de ses convois humanitaires et tué un chauffeur. L'organisation demande aussi une extension de l'interruption des trois heures qu'elle juge en l'état insuffisante. Le CICR de son côté accuse Tsahal d'empêcher l'accès des secours aux victimes.

Enjeux géopolitique
La bande de Gaza est un minuscule territoire niché entre le sud d’Israël et le nord de l’Egypte. Selon la vision sioniste, ce territoire au même titre que la Cisjordanie fait partie de l’Eretz Israel (la Terre d'Israël). Mais plus d’un million de réfugié palestinien en 2007 (selon l’UNRWA) Gaza est l’un des territoires les plus densément peuplé de la planète.

L'économie gazaoui est traditionnellement agricole et n'a connu quasiment aucun développement industriel sous l'occupation égyptienne de 1949 à 1967.
À partir de 1967, elle s'est totalement intégrée au marché israélien dont elle est devenue totalement dépendante. Gaza exportait essentiellement des produits agricoles vers Israël mais aussi des produits finis, fabriqués sous licence israélienne. La principale source de revenus restait cependant sa main d’œuvre non qualifiée qui était utilisée dans l'industrie du bâtiment et l'agriculture israélienne.
Suite à la prise du pouvoir par le Hamas en 2007, les bailleurs de fonds internationaux, comme l’Union Européenne, ont cessé les transferts financiers directs aux autorités publiques de la bande de Gaza qui ne sont plus en mesure de payer leurs employés. Le taux de chômage atteindrait en 2007 la barre des 40 %. La fermeture de tous les points de passage depuis 2007 a entraîné une restriction des approvisionnements en provenance d'Israël, qui est l'unique fournisseur. Ainsi, le nombre de camions de livraison s'est réduit de 250 à 45 par jour. Sur les 3.900 fabriques de toute nature recensées en juin 2005, il n'en reste plus que 195 employant seulement 1 750 personnes au lieu de 35.000. D'après un rapport de la Banque mondiale, 95 % de l'activité industrielle a été stoppée.
La bande de Gaza reste totalement dépendante d'Israël pour la fourniture de son électricité et de son carburant, et même si elle dispose de réserves de gaz offshore, elles ne peuvent être exploitées sans accès au marché international

Le trafic via les tunnels creusés sous la frontière avec l'Egypte a joué jusqu'à présent un rôle d'amortisseur mais la construction d'un mur d'acier enfoui en profondeur côté égyptien, officiellement pour empêcher un approvisionnement en armes, menace cette économie informelle que contrôle le Hamas. Il s’agit d’une mesure forte que les Egyptiens ont mis en place pour renforcer l’effet du blocus israélien mais cela

Les restrictions que subit la population palestinienne devraient progressivement diminuer depuis le retrait d'Israël en août 2005. Un accord signé le 15 novembre 2005 doit permettre rapidement l'ouverture plus large du point de passage de Rafah vers l'Égypte. L'Autorité palestinienne s'est engagée en contrepartie à lutter contre les trafics d'armes et l'Union européenne contrôlera la surveillance vidéo de ce poste frontière. Avant la fin de l'année 2005, Israël s'est engagé à permettre une plus grande circulation des biens depuis la bande de Gaza, l'exportation de tous les produits de l'agriculture, et la mise en place de lignes de bus palestiniennes qui traverseraient Israël. Un port à Gaza est également envisagé favorablement par les deux parties.

L'État hébreu affirme vouloir ainsi empêcher le Hamas de renforcer son arsenal, alors qu'il a déjà tiré des milliers de roquettes de l'autre côté de la frontière, mais des responsables onusiens et d'organisations humanitaires estiment que c'est l'économie gazaouite qui en pâtit. L'interdiction d'importer des matériaux de construction empêche ainsi les habitants de réparer les milliers de logement endommagés ou détruits par l'offensive militaire israélienne dans ce territoire à l'hiver 2008-2009.

Analyse et perspective
Depuis la fin de l’opération Plomb Durci, il semble que les mesures du blocus s’allègent de jour en jour. Cela allant de pair avec la baisse du nombre de roquettes tirées vers Israël. Il semble que le Hamas perdent de sa crédibilité auprès des Gazaouis et donc de son pouvoir. Néanmoins, le Fatah n’est toujours pas en position de reprendre le contrôle et il semble que la bande de Gaza glisse vers une sortie de chaos à demi contrôlé.
L’hypothèse d’un retour de Tsahal dans la bande de Gaza n’est donc pas à exclure. Néanmoins, l’erreur originelle a été d’abandonner la bande de Gaza au Hamas en pensant pouvoir l’asphyxier à force de blocus et de fonds non distribués. La communauté internationale a voulu punir le Hamas d’avoir volé le pouvoir au Fatah. Mais durant ces trois ans la population s’est radicalisée ayant eu le sentiment d’avoir été abandonné par ses soutiens internationaux, elle a eu confiance dans le Hamas puis cette confiance s’est étiolé au fur et à mesure que la situation s’aggravait.
Israël attend peut être une sorte de révolution où les gazaouis excédés par la situation chasserait le Hamas du pouvoir.
La communication de l’Etat Hébreux durant la guerre de l’hiver 2008 – 2009 allait dans ce sens. Elle visait à montrer que le Hamas était le responsable de tous leurs malheurs.
La communauté internationale a pleinement joué le jeu mais à néanmoins dénoncer les abus lors de l’invasion de Gaza.

Les évènements de ce matin remettent en question le support de la communauté internationale à Israël. L’attaque a eu lieu dans les eaux internationales et sur des navires battant pavillon turc. Au sens du droit de la mer, il s’agit d’une attaque de l’armée israélienne sur le territoire turc.
Cette attaque intervient au lendemain de la déclaration à l’ONU de mener une conférence sur le Proche-Orient dénucléarisé et la demande faite à l’état Hébreux de signer et respecter le traité de non-prolifération.

Les négociations entre Israël d’un côté, la Turquie, l’Union Européenne, l’ONU de l’autre dans les jours qui suivent vont être décisif pour l’avenir de la bande de Gaza.

Sources

• Wikipédia, l’encyclopédie libre
• The World Factbook, CIA
• « Assaut israélien meurtrier contre la flottille en route vers Gaza », LeMonde.fr LEMONDE.FR avec AFP, Reuters et AP | 31.05.10 | 06h25 • Mis à jour le 31.05.10 | 08h58 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2010/05/31/assaut-israelien-contre-la-flottille-en-route-vers-gaza_1365247_3218.html#xtor=RSS-3208
• « La flottille internationale fait du surplace avant de rejoindre Gaza », LeMonde.fr LEMONDE.FR avec AFP | 30.05.10 | 09h24 • Mis à jour le 30.05.10 | 13h53 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2010/05/30/une-flotille-internationale-fait-route-vers-gaza_1365160_3218.html
• « Flottille interceptée pour Gaza - L'abordage meurtrier d'Israël », lePoint.fr Publié le 31/05/2010 à 07:20 - Modifié le 31/05/2010 à 09:57 Le Point.fr http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2010-05-31/proche-orient-flottille-interceptee-pour-gaza-l-abordage-meurtrier-d-israel/924/0/461054
• « Appel à l'intifada après l'assaut meurtrier de la flottille à Gaza », lexpress.fr Par LEXPRESS.fr, publié le 31/05/2010 à 06:39 http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/appel-a-l-intifada-apres-l-assaut-meurtrier-de-la-flottille-a-gaza_895949.html
http://www.unrwa.org/

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