lundi 5 mars 2012

Terres rares : enjeu géostratégique



Les terres rares sont un ensemble de métaux aux propriétés physico-chimiques voisines. Comprenant le scandium, l'yttrium et les quinze lanthanides, ces métaux sont assez répandus dans l’écorce terrestre, leur rareté n’est pas géologique mais économique.
La demande pour ces métaux est largement supérieure à l’offre. Ces métaux sont difficiles à produire, ce sont souvent des sous-produits de mines dédiés à un autre minerai. Leur exploitation n’est rentable que s’ils se trouvent en grande quantité.
Ces métaux sont utilisés dans les technologies de pointe civiles mais également militaires ce qui en fait un enjeu stratégique.

Ces métaux ont acquis une importance stratégique avec l’augmentation de l’électronisation de la société. En particulier :
·         l’antimoine est utilisé pour la production de semi-conducteurs,
·         le monazite pourrait être utilisé comme une base pour le stockage de matériaux radioactifs du fait de sa capacité d’absorption de l’uranium,
·         le samarium est très utilisé pour les aimants permanents en particulier dans le domaine militaire pour les missiles mais aussi pour la fabrication de moteurs électriques, pour les voitures électriques, les éoliennes entre autres,
·         le lithium pour les batteries d’appareils électroniques,
·         le néodyme que l’on retrouve dans des composants pour radars, sonars, lasers et autres capteurs,
·         le thulium est couramment utilisé comme pigment pour les tubes cathodiques ou composant de micro-ondes.
·         d’autres terres rares sont utilisées pour les tubes triphosphores, et des ampoules électriques basse-consommation

Ces métaux sont donc nécessaires aux industries de défense, aux nouvelles technologies ainsi que dans les technologies vertes (éoliennes, voitures électriques, ampoules basse-consommation) or leur production est assurée à plus de 95% par un seul pays : la Chine.


Les gisements de terres rares sont concentrés dans quelques régions du globe États-Unis, Chine, Inde et l’ancienne URSS. Jusqu’à la fin des années 1950, le plus gros de la production était assuré par le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, seulement le prix à payer écologique a détourné ces pays de la production qui s’est alors concentrée en Chine et plus particulièrement dans les régions frontalières de la Mongolie. Aujourd’hui la Chine assure 95% de la production mondiale de terres rares. La production minière chinoise atteignait, en 2008, 120.000 tonnes sur un total mondial de 124.000 tonnes.

Ce quasi-monopole est du aux conditions de production particulière en Chine le faible coût du travail ainsi que la tolérance du gouvernement aux activités très polluantes et d’une vision à long terme. En 1992, alors que les technologies informatiques en étaient encore à leurs débuts, le premier secrétaire Deng Xiaoping déclarait : « Le Moyen Orient a du pétrole, la Chine a les terres rares ».
Seulement, alors que la demande en terres rares explose, augmentation de 6% de la demande tous les ans, le coût écologique est de plus en plus lourd pour l’Empire du milieu. Pékin a donc décidé, en 2005, la mise en place de quotas d’exportation des terres rares. Cela répond à des objectifs intérieurs, problèmes écologiques, forte demande des industriels chinois mais également à des objectifs de politiques étrangères : attirer les investisseurs étrangers et les convaincre de délocaliser leurs industries de hautes technologies en Chine.

Néanmoins, les réserves mondiales sont assez dispersées. La Chine représente 37% des réserves identifiées, l’ex-URSS 20%, les États-Unis 14% et l’Australie 6%. Mais le coût d’exploitation des mines est pour l’instant prohibitif. Aux USA remettre la filière en route prendrait 15 ans ainsi que des ajustements législatifs importants. A ce coût financier s’ajoute le coût environnemental : le développement de nouvelles technologies non-polluantes est encore impossible à chiffrer.

En juillet 2011, une équipe de l’université de Tokyo a découvert un gisement sous-marin de terres rares qui pourrait changer la donne. Celui-ci contiendrait 80 à 100 milliards de tonnes de ces métaux, soit 1.000 fois ce que l'on trouve sur les terres émergées. Seulement, il s’étale sur 11 millions de mètres carrés à des profondeurs variant de 3.500 à 6.000 mètres en plein océan Pacifique. Autre région prometteuse le Groenland où la fonte des glaces arctiques libère des ressources jusqu’alors inexploitables.

Mais la solution à court terme semble être le recyclage. Celui-ci sera probablement coûteux puisqu’il nécessite la mise en place d’une filière de récupération des déchets électroniques, informatiques ainsi que des ampoules fluorescentes. L’avantage de cette démarche est qu’elle permet de relocaliser la production d’une partie de l’électronique auprès des pays consommateurs. En réduisant parallèlement les besoins en terres rares des équipements de nouvelles technologies, la dépendance à la Chine pourrait s’estomper d’ici une quinzaine d’année selon le témoignage de François Heisbourg devant la commission de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques le 9 mars 2011.

L’enjeu stratégique des terres rares est celui de l’avenir du progrès technologique des pays occidentaux. Le recyclage et la constitution de stock stratégique, comme pour le pétrole dans les années 1970, devraient permettre aux pays dépendants de la Chine d’assurer leur avenir technologique.


Sources :
- Wikipédia, l’encyclopédie libre
- Monsieur Moustache – « Géopolitique : le problème des terres rares » – Blog espion – 30 août 2011 http://blog-espion.fr/geopolitique-probleme-terres-rares/
- François Cornut-Gentille – « Géopolitique des minerais stratégiques : le cas pratique des terres rares » – 10 mars 2011 http://www.francois.cornut-gentille.fr/2011/03/10/geopolitique-des-minerais-strategiques-le-cas-pratique-des-terres-rares-video/
- Augustin Roch – « Minerais rares : vers un alignement des pays émergents sur les pratiques chinoises ? » – Affaires-strategiques.info – 28 février 2011 http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article4708
- Margaux Duquesne – « Métaux rares : un monopole chinois inquiétant » – France24 – 8 novembre 2010 http://www.france24.com/fr/20101106-2010-11-06-0410-metaux-rares-chine
- Augustin Roch – « Terres rares, rareté relative et implications géoéconomiques » – Affaires-strategiques.info – 2 août 2010 http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article3750


Par AD

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bon article qui ouvre ledébat d'un sujet crucial. Un ouvrage de référence sur la sujet est "Terres rares - Avenir industriel et future richesse de l'europe?" ou terresrares.fr. Très instructif !

SL a dit…

Attention vous confondez terres rares et métaux rares.

D'un côté les terres rares, qui sont un groupe de 17 éléments (dont l'yttrium, le cérium, le lanthane, le néodyme, le samarium etc.), ce sont en effet des métaux, ils sont produits presque uniquement par la Chine en ce moment.

De l'autre côté l'expression "métaux rares" (dont la définition est assez vague) dont les terres rares font partie, ainsi que l'antimoine, le lithium et d'autres éléments métalliques (la liste dépend des pays, des critères etc). La situation n'est pas la même pour tous les métaux rares, pour certains la Chine n'est pas le plus grand producteur (exemple du Lithium).

La terminologie prête à confusion mais sous des termes similaires se cachent des situations très différentes.