mercredi 11 janvier 2012

Le détroit d'Ormuz : enjeu stratégique

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Le 29 juin 2008 déjà, le commandant du Corps des Gardiens de la révolution islamique, les Pasdaran, déclarait que si l'Iran était attaqué par Israël ou les États-Unis, il fermerait le détroit d'Ormuz. Le 27 décembre 2011, dans un contexte de renforcement des sanctions économiques prises contre l'Iran par les USA et l’Union européenne, le premier vice-président iranien Mohammad Reza Rahimi a annoncé que son pays fermerait le détroit d'Ormuz en cas de sanctions visant les exportations iraniennes de pétrole.


Géographie
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Reliant le golfe Persique au golfe d'Oman, le détroit d'Ormuz est frontalier de trois pays que sont l'Iran au nord, le sultanat d'Oman (extrémité de la pointe) et les Émirats arabes unis au sud (péninsule arabique).
Long de 63 km, large de 40 km et d'une profondeur moyenne de 56 mètres, le détroit constitue une voie commerciale essentielle du trafic international, empruntée par plus de 30 % du commerce mondial de pétrole. Outre les Émirats arabes unis et l'Iran, le détroit commande l'accès à d'autres pays producteurs d'hydrocarbures aussi importants que l'Arabie saoudite, le Koweït, le Qatar, Bahreïn et l'Irak. Selon le département américain de l'Énergie, environ 2.400 pétroliers y transitent chaque année, pour un volume d'environ 17 millions de barils de pétrole par jour.
Dans le détroit à proprement parler le couloir de navigation est du coté omanais de la frontière maritime mais à quelques encablures seulement de cette frontière maritime.
Outre les Emirats et l'Iran lui-même, toutes les exportations de pétrole de Bahreïn, du Koweït et du Qatar passent par le détroit d'Ormuz, ainsi que la plus grande partie des exportations pétrolières d'Arabie saoudite et de l'Irak.

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Contexte géopolitique
La menace de fermer le détroit intervient dans un contexte stratégique assez chargé.
Premièrement la publication du rapport de l’AIEA sur le nucléaire iranien a ouvert la voix à de nouvelles sanctions économiques, prises notamment par les USA et l’Union européenne. Ces sanctions, si elles s’attaquent à l’industrie pétrolière pourraient être dévastatrices pour l’économie du pays.
Deuxièmement, le retrait des soldats américains d’Irak diminue l’influence du pays dans la région moyen-orientale.
Troisièmement, la contestation en Syrie prive Téhéran d’un allié stable dans la région. Une démonstration de force de la part du régime de Mollah permet donc de galvaniser les forces financées par l’Iran comme le Hezbollah.
Dernier point et non des moindres, l’Iran connaitra au mois de mars des élections législatives. Les élections présidentielles de 2009 avaient été suivies de neuf mois de contestation réprimée dans le sang. Une démonstration de puissance peut permettre de raviver les sentiments nationalistes et ressouder le peuple derrière ses dirigeants.

Forces en présence
 
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La marine iranienne possède : trois sous-marins diésels d'origine soviétique datant du début des années 1990, un destroyer armé en 2007, 5 frégates, 3 corvettes, onze vedettes de classe Combattante II et dix navires lance-missiles.
Des missiles sol-mer disposant d'une portée de 200 à 400 kilomètres (d'origine chinoise ou russe) qui pourraient être installés le long de la côte sud du pays pour protéger les opérations navales.
L'armée de l'air dispose d'appareils capable de lancer des missiles en mer mais ceux-ci sont assez anciens (des années 1960 et 1970).
Les Pasdaran possèdent également des forces navales et notamment des vedettes rapides et des sous-marins de poche pouvant procéder au déploiement de mines dans le détroit pour le rendre impraticable aux navires de commerce.
 
La cinquième flotte américaine est basée à Manama, à Bahreïn. Sa mission principale est de garantir l'accès au détroit d'Ormuz pour tous les navires de commerce. En temps normal, elle est constituée d'un porte-avions (en ce moment l'USS John C. Stennis avec plus de 80 appareils embarqués dont 50 avions de combat) et d'un porte-hélicoptères, accompagnés par une vingtaine de bâtiments d'escorte et de soutien.
Les Américains ont envoyé sur la zone un autre groupe aéronaval celui du porte-avions USS Abraham Lincoln et un troisième groupe celui du USS Carl Vinson est en route depuis Hong Kong.
Le porte-avions français Charles-de-Gaulle est également sur le chemin. A cela, il faut ajouter les bases aériennes américaines, britanniques et françaises présentent aux Emirats Arabes Unis, en Arabie saoudite, à Barhein, au sultanat d'Oman et au Qatar ainsi évidement que les forces aériennes de ces pays.
 
Perspectives stratégiques
Les forces en jeux interdisent à l'Iran toute attaque frontale de la Vème flotte. Ces moyens sont trop peu nombreux et trop anciens pour faire face à une armada composée potentiellement de quatre porte-avions et de leur groupe de protection (une dizaine à une vingtaine de navires chacun).
Téhéran pourrait alors placer des mines sous-marines en face des champs pétrolifères et des terminaux de production de pétrole dans le golfe Persique en particulier ceux de l'Arabie saoudite ou du Qatar.
Les Iraniens pourraient utiliser leurs missiles mer-mer ou sol-mer contre les navires de commerce ce qui provoquerait l'arrêt immédiat du trafic maritime. Dans le cas où les navires lance-missiles sont neutralisés, l'Iran peut toujours compter sur ses sous-marins, et notamment les sous-marins de poche très difficiles à détecter, pour torpiller les navires.
 
Mais les menaces iraniennes tombent aux moment d'un exercice militaire planifié de longue date entre Israël et les USA. L’objectif est d’installer un bouclier anti-missiles commun et de mettre en œuvre une coordination entre les deux armées. Des milliers de militaires américains comprenant des aviateurs, des équipes d’interception de missiles, des marines, des techniciens et des agents de renseignements sont attendus en Israël. La Grande-Bretagne a été informée de ces exercices et a précisé qu’elle était prête à se joindre à toute action contre l’Iran si le détroit d’Ormuz était fermé.
Les autorités iraniennes viennent d’annoncer des exercices d’envergure en février dans le détroit d’Ormuz et dans le Golfe persique. Elles prennent le risque de les faire coïncider avec les manœuvres militaires israélo-américaines.
Il s'agit pour l'Iran d'un geste politique calculé. Les dirigeants de la république islamique savent que les USA, même dans une coalition, n'attaqueront pas les premiers. Cette rhétorique guerrière à pour cible Barack Obama, perçu comme étant faible, qui répond peu aux agressions du régime des mollahs. Mais le président américain, en accord avec l'Etat hébreu, mène, en Iran, une guerre secrète utilisant drones, forces spéciales et agents secrets pour déstabiliser le régime. Il est fort probable que les sanctions économiques seront adoucies mais que la guerre froide repartira de plus belle.
 
Sources :
- Wikipédia, l’encyclopédie libre
- The World Factbook, CIA
- Jacques Benillouche – « Du détroit de Tiran au détroit d'Ormuz » – Slate – 10 janvier 2012 http://www.slate.fr/story/48497/detroit-ormuz-iran-etats-unis-guerre-six%20jours
- Régis Soubrouillard – « La guerre froide Iran-USA rebondit dans le détroit d’Ormuz » – Marianne – 10 janvier 2012 http://www.marianne2.fr/La-guerre-froide-Iran-USA-rebondit-dans-le-detroit-d-Ormuz_a214344.html
- LEMONDE.FR avec AFP – « Les Emirats arabes unis mettent la dernière main à l'oléoduc contournant le détroit d'Ormuz » – LeMonde.fr – 9 janvier 2012 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/01/09/les-emirats-arabes-unis-mettent-la-derniere-main-a-l-oleoduc-contournant-le-detroit-d-ormuz_1627502_3218.html
- LEMONDE.FR avec AFP – « Les Etats-Unis menacent de "répondre" si l'Iran bloquait le détroit d'Ormuz » – LeMonde.fr – 8 janvier 2012 http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/01/08/les-etats-unis-menacent-de-repondre-si-l-iran-bloquait-le-detroit-d-ormuz_1627184_3222.html
- LEMONDE.FR avec Reuters – « L'Iran annonce de nouvelles manœuvres dans le détroit d'Ormuz » – LeMonde.fr – 6 janvier 2012 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/01/06/l-iran-annonce-de-nouvelles-man-uvres-dans-le-detroit-d-ormuz_1626606_3218.html
- Régis Soubrouillard – « USA-Iran : les missiles de croisières s'amusent » – Marianne – 3 janvier 2012 http://www.marianne2.fr/USA-Iran-les-missiles-de-croisiere-s-amusent-_a214079.html
- Zone Militaire – « Tirs de missiles iraniens dans le détroit d’Ormuz » – OPEX360 – 3 janvier 2012 http://www.opex360.com/2012/01/03/tirs-de-missiles-iraniens-dans-le-detroit-dormuz/
- Alain Rodier – « Iran : nouvelles menaces de fermeture du détroit d'Ormuz » – Centre Français de Recherche sur le Renseignement – 01/01/2012 http://www.cf2r.org/fr/notes-actualite/iran-nouvelles-menaces-de-fermeture-du-detroit-ormuz.php
- AD – « Iran et Israël : vers une nouvelle guerre froide » – GlobalAnalysis France – 10 novembre 2011 http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2011/11/iran-et-israel-vers-une-nouvelle-guerre.html
 
Par AD

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