vendredi 27 avril 2012

Question de lecteur : la gouvernance de l'Union européenne


Nous publions aujourd'hui notre 100ème billet et nous fêtons les quatre ans d’existence de ce blog. Notre profitons de cette occasion pour inaugurer notre série d'articles Questions de lecteur. Vous avez la parole, poser vos questions sur les thèmes traités dans ce blog et nos rédacteurs vous répondrons. Pour proposer vos questions écrivez à l'adresse suivante : globalanalysisfrance@gmail.com.

Dans ce premier article nous répondons aux questions d’un lecteur sur la gouvernance de l’Europe.
AD est co-créateur et rédacteur en chef du blog GlobalAnalysis France. Il est spécialiste des institutions internationales.
JS est co-créateur et auteur du blog GlobalAnalysis France. Il est spécialiste de l’Union européenne.

Question 1 : Quelles sont les raisons de cette difficulté à gouverner à 27 ?
La difficulté de gouvernance a deux origines. D'une part, la multiplicité des instances supranationales en Europe.  Et d'autre part, le traité de Lisbonne qui paradoxalement en voulant rendre l'Union européenne plus démocratique a dilué les voix, déconcentré les pouvoirs et à donc rendu l'Union plus difficile à gérer.




Premièrement, il faut considérer le nombre d'organisations supra-étatiques, le nombre de traités différents qui existe dans l'Europe physique et dans l'Union européenne. Dans l’espace européen on peut décompter l’espace Schengen, la zone euro, l’Union européenne, l’Union douanière européenne, l’Espace économique européen, le Conseil de l’Europe et on pourrait ajouter l’OTAN. Tous les pays de cet espace ne participent pas forcément aux mêmes traités et seuls 14 pays sur les 27 de l’UE et 47 du Conseil de l’Europe sont adhérents à tous les traités. Une telle fragmentation entraine forcément des intérêts politiques divergents.

Deuxièmement, le traité de Lisbonne. Le traité de Lisbonne instaure l’indépendance de la présidence Conseil européen par rapport à la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. Les chefs d’États et de gouvernements ne se rassemblent donc plus sous la même présidence que celle sous laquelle se rassemblent leurs ministres.
Le traité de Lisbonne renforce le pouvoir du Parlement européen et place la Commission européenne responsable devant celui-ci et non plus devant le Conseil européen ceci mène à un renforcement du rôle du parlement et donc à une dilution des pouvoirs.
Le traité de Lisbonne instaure pour 2014 le système de double majorité qui fait que les décisions législatives pour être adoptées doivent recevoir 55 % des suffrages des membres du Conseil représentant au moins 15 États et au moins 65% de la population de l'Union.


Question 2 : Est-il plus préférable de se concentrer sur le partenariat économique plutôt que politique ?
Depuis l'époque de la CECA, la construction européenne se fait par des partenariats économiques. Les élargissements successifs ont été tirés par la croissance. D'abord celle des 30 glorieuses, puis à partir des années 1990 par la fin de l'URSS. Cette ouverture à l'Est a été principalement le fait de l'Allemagne dans la continuité de l'Ostpolitik de Willy Brandt. Aujourd'hui, la plupart des pays de l'Union européenne sont à croissance nulle ou très faible. Le moteur de l'Union est à l'arrêt. Avant de le relancer, il faut peut-être se poser la question de la route que l'Union veut prendre et avec qui.

Question 3 : Un modèle de gouvernance harmonieux est il envisageable ? Est-il envisageable sans remettre en question la souveraineté des états membres ?
La crise des dettes de la zone euro a montré les limites de la gouvernance actuelle. Deux directions s'offrent aux pays de l'Union :
·         soit un fédéralisme complet sur le modèle des USA ou de l'Allemagne. Ce qui implique une volonté profonde d’harmonisation des systèmes politiques et économiques.
·         soit une alliance moins contraignante avec un retour d’une majeure partie des compétences économiques au niveau national ce qui implique de renoncer à la monnaie unique.

Quelque soit la direction choisie, la décision doit se prendre à 27 et c’est là que toute la difficulté réside. Aux vues des difficultés de prendre des décisions d’urgence concernant la zone euro, on peut se demander combien de temps il faudra pour prendre une décision de fond à 27. Mais continuer comme si de rien n'était ne semble guère possible.

mardi 17 avril 2012

Les think tanks : influencer la politique

L'organisation de la campagne présidentielle française de 2012 a fait apparaître au grand jour un nouveau type d’acteur : les think tanks.
Le candidat ou la candidate est avant tout une personnalité, un orateur, un contradicteur.
Le parti est une machine à gagner les élections fournissant des soutiens célèbres (les ténors) et anonymes (les militants), fournissant les supports de campagnes (tracts, affiches, sites internets, listes de sympathisants, etc.).
Les think tanks sont des générateurs d’idées. Dans ces temps où chaque jour doit voir fleurir une nouvelle proposition du candidat pour ne pas disparaître des écrans médiatiques, ces institutions génèrent un flot continu d'analyse, d'opinions et de recommandations dans lesquels les partis vont piocher pour alimenter le candidat ou la candidate. 
 
Définition :
Un think tank, ou laboratoire d’idée, est une institution privée le plus souvent indépendante des partis politiques réunissant des experts pour produire des études ou des propositions dans les domaines liés aux politiques publiques. Ils sont composés de chercheurs (universitaires ou privés), des anciens hommes (ou femmes) politiques, des dirigeants (hauts fonctionnaires, cadres supérieurs d'entreprises
En 2010, il y avait 6480 think tanks dans le monde. La création de think tanks a été très forte de la fin des années soixante au début des années 2000. Les États-Unis restent le pays qui compte le plus de think tanks, il y en aurait 1.100. La Grande-Bretagne compte 278 think tanks et il y en aurait environ 200 en France.
Les think tanks sont financés en majorité par des entreprises privées ainsi que par des particuliers. Les modes de financements de ces institutions ne sont pas toujours clairement identifiables et de cette opacité découle une certaine méfiance, en particulier en France.
 
Les think tanks proches des partis
En France, la tradition des clubs de réflexion a amené des think tanks marqués politiquement. A gauche, on peut citer Terra Nova, la Fondation Copernic et la Fondation Jean-Jaurès (FJJ). A droite, l'Institut Montaigne, la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol), l'Institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP).
Ainsi la primaire socialiste a été inspirée par Terra Nova, la « règle d'or » budgétaire par Fondapol, la charte de la diversité à l'Institut Montaigne. Les deux principaux partis français, le Parti Socialiste (PS) et l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP) organisent des structures pour communiquer avec les think tanks de leur bord politique.
 
Les think tanks dinfluence
Un deuxième type de think tank est celui qui est spécialisé dans un domaine précis. Dans ce cas, son rôle ne se limite pas à conseiller les hommes politiques, il se veut également pédagogique. Il dépêche alors des experts dans les médias pour commenter les décisions ou les annonces politiques, il publie des rapports, organise des débats, chiffre les programmes économiques. C'est le cas en France de l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), de l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) par exemple dans les relations internationales et de l'Institut de l’entreprise dans le monde économique.
Mais les think tanks sont tributaires des intérêts privés. En effet, leurs donateurs cherchent à influencer les débats, à encourager une personnalité. Les financements viennent d'entreprises, de fondations politiques, de gouvernements étrangers, d'hommes d'affaires qui ont un message à faire passer et qui financent les instituts en fonction de ce message.
Ainsi les think tanks sont un outil d'influence par eux-mêmes (faire avancer les idées qui ont germées en interne) mais également un relais d'influence.
 
Conclusion
L'accélération de la communication politique, couplée à la complexification des sujets politiques a amené à l'apparition des think tanks. Ils sont le lien entre le monde de la recherche en sciences politiques ou sociales et le monde politique. Mais ces laboratoires d'idée sont également des outils d'influence.
Ils ne restent pas moins des sources d'information utiles aux journalistes et analystes politiques de part leur qualité et leur facilité d'accès notamment dans le domaine de la géopolitique et des relations internationales.
 
Sources :
- Wikipédia, l’encyclopédie libre
- Célia Bass – « Peut-on considérer un discours politique comme un argumentaire de vente ? » – La boite à idée – 16 avril 2012 http://marketthinking.blogspot.fr/2012/04/peut-on-considerer-un-discours.html
- Corine Lesnes – « Aux Etats-Unis, 1 100 cercles de réflexion, dont 80 ont un budget supérieur à 10 millions de dollars » – Le Monde – 7 janvier 2012 http://www.lemonde.fr/journalelectronique/donnees/protege/20120107/html/830655.html
- Gérard Courtois – « Les think tanks, des idées en l'air » – Le Monde – 7 janvier 2012 http://www.lemonde.fr/journalelectronique/donnees/protege/20120107/html/830658.html
- Weronika Zarachowicz – « L’influence des think tanks, cerveaux des politiques » – Télérama – 16 décembre 2011 http://www.telerama.fr/idees/l-influence-des-think-tanks-cerveaux-des-politiques,76047.php
- Mounia Ben Aïssa – « Think Tanks: Influence ou Ingérence? » – France24 – 12 janvier 2010 http://www.france24.com/fr/20100111-think-tanks-influence-ing-rence-0

Par AD