mercredi 3 août 2011

L’été israélien après le printemps arabe


Samedi 30 juillet 2011 a eu lieu la plus grande manifestation de l’histoire d’Israël. Entre 80 et 120.000 manifestants étaient descendus dans la rue et près de 150.000 employés municipaux sont entrés en grève le lundi 1er août. Ces manifestations regroupent toutes les tranches de la société israélienne : juifs et non-juifs, étudiants, chômeurs, cadres, médecins, sans distinctions et son pour l'instant apolitiques (Complément : mise à jour).

Les raisons de ce mécontentement sont économiques. Tout à commencer en juin lorsqu’un groupe de consommateur de cottage (un fromage très prisé en Israël) a donc décidé de réagir et d'organiser un boycott par l'entremise de Facebook. Le résultat a été rapide, au bout de quelques jours, le prix a été revu à la baisse.
Par la suite une étudiante, incapable de trouver un logement en raison des prix exorbitants de l'immobilier, a décidé d'aller planter une tente au beau milieu de l'avenue Rothschild, l'une des plus chics de Tel-Aviv. Sur sa page Facebook, elle a invité tous ceux qui se trouvaient dans une situation semblable à se joindre à elle. Depuis, le mouvement a pris de l’ampleur et s’étend à tout le pays.
Le 26 juillet, le journal Haaretz a publié un sondage révélant que 87% des Israéliens soutiennent le mouvement de protestations et 54% se disent «mécontents» de la gestion de cette crise par le Premier ministre Benjamin Nétanyahou.

Cette contestation est, comme pour les révoltes arabes, le résultat de la situation socio-économique. L’économie Israélienne est florissante, un taux de croissance de 5% en 2011, une balance commerciale en excédent et le taux de chômage le plus bas des vingt dernières années à 6%.
Mais cette bonne santé économique est due majoritairement à l’industrie high-tech (biotechnologies, informatique, armement) qui engendre des bénéfices considérables et tirent les chiffres de l'économie vers le haut.
Mais cette richesse est mal redistribuée. L'industrie du pays est regroupée autour d'une dizaine de familles qui tiennent dans leurs mains l'immobilier, l'agro-alimentaire, et les industries (voir cet article sur Slate.fr). Cette concentration fausse la concurrence et du fait de la cartellisation, les entreprises sont politiquement puissantes et négocient directement avec le gouvernement des passe-droits (commerce avec l’Iran, expropriation, etc.)
Dans les dernières années, les prix ont augmenté : le pain de 10%, l’essence de 13%, l’eau de 134%, les logements, les transports et les impôts indirects tandis que les salaires stagnent. En un an, les prix des logements ont bondi de 32% à Tel-Aviv et de 17% à Jérusalem.


Néanmoins, ces problèmes ne sont pas récents. L’actuel gouvernement a hérité d’une situation déplorable et peu a été fait pour y remédier. Depuis la création du pays en 1948, tous les gouvernements qu’ils soient de droite ou de gauche, n’avaient qu’une préoccupation : la sécurité aux frontières.
Alors qu’aujourd’hui une partie de l’opinion publique évolue sur les questions des droits à accorder aux palestiniens (une soixantaine d'ONG israéliennes ont reconnu l'État palestinien le 26 janvier 2011) le gouvernement semble figé et ne s’intéresse pas aux questions économiques. Alors les jeunes d’abord, se servent des réseaux sociaux pour mener la contestation.
Il faut dire qu’après avoir fait trois ans (deux ans pour les femmes) de service militaire obligatoire (le refus entraîne un emprisonnement de 6 mois), les jeunes ont l’impression de ne rien recevoir en retour de la part de l’État.

La jeunesse a été suivie dans la contestation par la classe moyenne israélienne qui a des difficultés à se loger. Les prix explosent dans les grandes villes du fait de la gentrification. Les entrepreneurs, avec la bénédiction du gouvernement, détruisent les logements sociaux pour construire des immeubles plus luxueux qui attirent les riches investisseurs nationaux ou étrangers. Les habitants sont expropriés avec une faible compensation et ne trouvent plus à se loger. Ceci pousse le gouvernement à favoriser la colonisation dans Jérusalem-est ou en Cisjordanie (Complément sur les problèmes de logement)

Bien sûr les moteurs des manifestations arabes et israéliennes sont similaires. La presse arabe parle déjà de l’été israélien. Mais Nétanyahou n’est pas Ben Ali et Israël n'est ni un régime autoritaire, ni une dictature. En Tunisie ou en Égypte, le peuple réclamait plus de démocratie, ce n'est pas le cas des Israéliens. Il s'agit d'un appel à l'aide et non d'un rejet de l’État.
Sauf que des voix commencent à se faire entendre pour demander une redéfinition des institutions israéliennes. En effet, le pays ne possède pas de constitution mais son fonctionnement se base sur Déclaration d'indépendance de l'État d'Israël du 14 mai 1948 et les 14 Lois fondamentales (Complément sur la Constitution).
Ces lois ont un caractère constitutionnel mais ne sont pas reconnues par tous comme une Constitution. Certains politiciens demandent donc, à l’occasion de ces manifestations d’une ampleur sans précédent, qu’un effort supplémentaire soit fait. Les lois fondamentales validées par la Knesset pourraient être rassemblées en un texte unique qui sera soumis à un référendum


Sources :
Kristell Bernaud – « Crise sociale: “l’été israélien“ » – Slate – 3 août 2011 http://www.slate.fr/story/41973/israel-crise-sociale-jeunes-ete
Hugo Domenach – « La révolte des tentes : "Un bol d'air pour la société israélienne" » – LEMONDE.FR – 2 août 2011 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/08/02/la-revolte-des-tentes-un-bol-d-air-pour-la-societe-israelienne_1555466_3218.html#ens_id=1553372
Hugo Domenach – « Israël : un mouvement sans précédent pour plus d'Etat providence » – LEMONDE.FR – 1 août 2011 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/08/01/israel-un-mouvement-sans-precedent-pour-plus-d-etat-providence_1555107_3218.html#ens_id=1553372
Natalie Gay-Blum – « Un printemps arabe pour Israël ? » – LE NOUVELOBS – 31 juillet 2011 à 13:19 http://leplus.nouvelobs.com/contribution/177875;un-printemps-arabe-pour-israel.html

Par AD

1 commentaire:

L'Etendard a dit…

"L'industrie du pays est regroupée autour d'une dizaine de familles qui tiennent dans leurs mains l'immobilier, l'agro-alimentaire, et les industries."

Intéressant.

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