Nous publions
aujourd'hui notre 100ème billet et nous fêtons les quatre ans d’existence de ce blog. Notre profitons de cette occasion
pour inaugurer notre série d'articles Questions de lecteur. Vous avez la
parole, poser vos questions sur les thèmes traités dans ce blog et nos
rédacteurs vous répondrons. Pour proposer vos questions écrivez à l'adresse
suivante : globalanalysisfrance@gmail.com.
Dans ce premier
article nous répondons aux questions d’un lecteur sur la gouvernance de
l’Europe.
AD est co-créateur et rédacteur en chef du blog GlobalAnalysis France. Il est spécialiste des institutions
internationales.
JS est co-créateur et auteur du blog GlobalAnalysis France. Il est spécialiste de l’Union européenne.
Question 1 : Quelles sont les raisons de cette
difficulté à gouverner à 27 ?
La difficulté de gouvernance a deux origines. D'une part, la multiplicité
des instances supranationales en Europe. Et d'autre part, le traité de
Lisbonne qui paradoxalement en voulant rendre l'Union européenne plus
démocratique a dilué les voix, déconcentré les pouvoirs et à donc rendu l'Union
plus difficile à gérer.
Premièrement, il faut considérer le nombre
d'organisations supra-étatiques, le nombre de traités différents qui existe
dans l'Europe physique et dans l'Union européenne. Dans l’espace européen on
peut décompter l’espace Schengen, la zone euro, l’Union européenne, l’Union
douanière européenne, l’Espace économique européen, le Conseil de l’Europe et
on pourrait ajouter l’OTAN. Tous les pays de cet espace ne participent pas
forcément aux mêmes traités et seuls 14 pays sur les 27 de l’UE et 47 du
Conseil de l’Europe sont adhérents à tous les traités. Une telle fragmentation
entraine forcément des intérêts politiques divergents.
Deuxièmement, le traité de Lisbonne. Le traité de
Lisbonne instaure l’indépendance de la présidence Conseil européen par rapport
à la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. Les chefs d’États
et de gouvernements ne se rassemblent donc plus sous la même présidence que
celle sous laquelle se rassemblent leurs ministres.
Le traité de Lisbonne renforce le pouvoir
du Parlement européen et place la Commission européenne responsable devant
celui-ci et non plus devant le Conseil européen ceci mène à un
renforcement du rôle du parlement et donc à une dilution des pouvoirs.
Le traité de Lisbonne instaure pour 2014
le système de double majorité qui fait que les décisions législatives pour être adoptées
doivent recevoir 55 % des suffrages des membres du Conseil représentant au moins 15 États et au moins 65% de la
population de l'Union.
Question 2 : Est-il plus préférable de se
concentrer sur le partenariat économique plutôt que politique ?
Depuis l'époque de la CECA, la construction européenne se fait par des
partenariats économiques. Les élargissements successifs ont été tirés par la
croissance. D'abord celle des 30 glorieuses, puis à partir des années 1990 par
la fin de l'URSS. Cette ouverture à l'Est a été principalement le fait de
l'Allemagne dans la continuité de l'Ostpolitik
de Willy Brandt. Aujourd'hui, la plupart des pays de l'Union européenne sont à
croissance nulle ou très faible. Le moteur de l'Union est à l'arrêt. Avant de
le relancer, il faut peut-être se poser la question de la route que l'Union
veut prendre et avec qui.
Question 3 : Un modèle de gouvernance harmonieux
est il envisageable ? Est-il envisageable sans remettre en question la
souveraineté des états membres ?
La crise des dettes de la zone euro a montré les limites de la gouvernance
actuelle. Deux directions s'offrent aux pays de l'Union :
·
soit un fédéralisme complet sur le modèle des
USA ou de l'Allemagne. Ce qui implique une volonté profonde d’harmonisation des
systèmes politiques et économiques.
·
soit une alliance moins contraignante avec un
retour d’une majeure partie des compétences économiques au niveau national ce
qui implique de renoncer à la monnaie unique.
Quelque soit la direction choisie, la décision doit se
prendre à 27 et c’est là que toute la difficulté réside. Aux vues des
difficultés de prendre des décisions d’urgence concernant la zone euro, on peut
se demander combien de temps il faudra pour prendre une décision de fond à 27. Mais continuer comme si de rien n'était ne semble guère possible.