mardi 18 janvier 2011

L’Union pour la Méditerranée, entre espoir et désaveu

Membre de l'UE et de l'UpM en bleu, membre de l'UpM hors UE en marron, pays observateur hachuré

Le 2ème sommet de l’Union pour la Méditerranée (UpM), prévue initialement en juin 2010, puis le 21 novembre 2010 dans la capitale catalane, Barcelone, a été une nouvelle fois annulé faute d’un consensus entre les participants sur les thèmes à traiter.

Ce projet avait pourtant été lancé en grande pompe lors d’un premier sommet qui s’était déroulé à Paris le 13 juin 2008 à l’initiative de la France et de l'Égypte, réunissant les 43 États concernés, c'est-à-dire les 27 États de l’Union européenne ainsi que 16 États ayant pour frontière maritime la mer Méditerranée.

A l’origine, l’Union pour la Méditerranée est un projet porté le candidat français Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007 et dont l’idée venait de son conseiller spécial Henri Guaino. Dans l’esprit des deux hommes, l’Union pour la Méditerranée se voulait le pendant de l’Union européenne au Sud de l’Europe. Cependant, cette idée a dès le départ essuyé des critiques de la part des pays du Nord de l’Union européenne qui craignaient d’être écartés des relations privilégiées qui se seraient établies entre les pays européen de la rive Nord de la Méditerranée et les pays tiers de la rive Sud de la Méditerranée. L’Allemagne, en particulier, s’est opposé fermement à la création de cet espace de coopération tel que prévu originellement par la France, n’y voyant là qu’une tentative française de concurrencer les échanges commerciaux privilégiés qu’elle entretient elle-même avec les pays de l’Est. Le projet fut donc modifié et intégré aux politiques de l’Union européenne en tant que prolongement du Processus de Barcelone.

Pour rappel, le Processus de Barcelone ou Partenariat Euromed, est une initiative de l’Union européenne et de dix autres États riverains de la mer Méditerranée (l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, la Syrie, la Turquie et l’Autorité Palestinienne) datant de 1995. Ce processus visait un dialogue et une coopération entre l’Union européenne et les pays de la rive Sud de la Méditerranée.

Dès sa naissance, l’Union pour la Méditerranée ne parvenait donc pas à lancer les bases d’une véritable zone de libre-échange, puisqu’elle ne devenait qu’un instrument de plus de la politique de voisinage de l’Union européenne. Pire, au sommet de Paris, les questions de droit de l’Homme furent laissées de côté, pour se concentrer sur des projets consensuels à vocation économique et écologique telle que la dépollution de la mer Méditerranée.

Pourtant, les ambitions de départ étaient louables. La France comme l’Union européenne visent en effet des objectifs très vastes tant sur le plan économique que politique. En soutenant des réformes démocratiques sur la rive Sud de la Méditerranée, l’Europe souhaitent par exemple encourager le processus de paix au Moyen-Orient. Sur le plan économique, encourager les échanges commerciaux permettraient à l’Europe de réguler l’immigration clandestine. Il faut rappeler qu’à 14 kilomètres de distance via le détroit de Gibraltar, deux pays voisins, l’Espagne et le Maroc, ont des écarts de richesse qui varient de 1 à 10, ce qui expliquent des phénomènes migratoires Sud/Nord très importants. Par ailleurs, tant les pays du Nord que les pays du Sud auraient tout à gagner à encourager les échanges commerciaux lorsqu’on sait que la Méditerranée s’étend sur 2,5 millions de km² et que par le canal de Suez transite 30% du commerce mondial et 20% du trafic pétrolier.

Il y a lieu alors de se demander pourquoi l’UpM semble avoir disparu des écrans radar, pourquoi l’on est aujourd’hui incapable d’organiser son 2ème sommet… Plus qu’au flou du projet de départ, et à ses ambitions revues à la baisse, l’UpM est en réalité freinée par de nombreux obstacles parmi lesquels le conflit israélo-arabe. En particulier, l’intervention d’Israël à Gaza en décembre 2008 et janvier 2009 a fortement tendu les relations entre les membres de l’UpM, qui pour une très grande majorité des pays de la rive Sud sont des pays arabes. Pour preuve de l’importance de ce conflit dans l’avancement de l’UpM, c’est Barcelone qui fut retenue par défaut comme siège de l’organisation parce qu’aucun pays arabe ne souhaitait recevoir d’ambassadeur israélien sur son territoire, ce qui aurait signifié la reconnaissance implicite de l’Etat d’Israël. Et l’on pourrait multiplier ainsi les exemples…

Par ailleurs, la région est soumise à un certain nombre de conflits qui ne favorisent pas le consensus, consensus nécessaire dans une telle organisation. Ces conflits sont aussi bien des tensions Nord/Sud qui n’ont pas été résolues depuis la décolonisation telles que les relations entre l’Algérie et la France, ou le Maroc et l’Espagne. Ce sont aussi des tensions Sud/Sud : la question du Sahara occidental fait par exemple encore aujourd’hui l’objet d’une divergence de vue entre le Maroc et l’Algérie, de même que la question Chypriote et la réunification de l’île ne sont toujours pas réglés du fait d’un désaccord entre la population grecque orthodoxe et la population turque musulmane.

Pourtant, l’histoire a montré qu’un espace de coopération était possible en mer Méditerranée. Les Grecs n’avaient-ils pas réussi une certaine unification culturelle en colonisant déjà à l’époque les deux rives ? L’empire romain en avait même fait un espace unifié allant jusqu’à nommer la mer Méditerranée « Mare Nostrum ». Enfin, à la fin de l’empire romain, on observait même une unité religieuse : Saint-Augustin n’était-il pas un Nord-Africain ?

A défaut de véritables accords politiques et économiques, il faut tout de même souligner des progrès dans les relations entre les pays du Nord et du Sud de la Méditerranée. L’Union européenne progresse en effet dans ses relations bilatérales avec un certain nombre de pays : le Maroc a ainsi acquis un statut de partenaire particulier, la Turquie a entamé de longues négociations pour entrer dans l’Union européenne. Par ailleurs, l’UpM a permis de lancer malgré tout un certain nombre de projets structurels qui permettent de développer les pays de la rive Sud. Par son biais, l’UE assure un transfert de technologies aux pays du Sud et développe par la même occasion sa R et D en mettant en œuvre des projets liés au développement durable tels que l’énergie solaire.

Tout en étant inquiet au regard de la situation actuelle, nous pouvons malgré tout dire que l’UpM reste un projet d’avenir à fort potentiel. Il faudra, pour véritablement le mettre sur orbite, relancer le dialogue Nord/Sud en clarifiant notamment la question des frontière de l’Union européenne, et surtout régler les conflits Sud/Sud qui sont latents dans la région.

Sources :
Wikipédia, l’encyclopédie libre
Cours « Le Monde arabe » à Sciences po
Cours « Questions internationales » à Sciences po
SEAE UpM : http://www.eeas.europa.eu/euromed/index_fr.html
Déclaration de Barcelone : http://europa.eu/legislation_summaries/external_relations/relations_with_third_countries/mediterranean_partner_countries/r15001_fr.htm
Dossier spécial UpM Le Figaro : http://recherche.lefigaro.fr/recherche/recherche.php?ecrivez=union+pour+la+mediterran%E9e&go=RECHERCHER&charset=iso&page=articles

Par JS

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