lundi 18 juillet 2011

Négociations de paix : privatisation en cours

Alors que les conflits armées se privatisent (voir notre article “La Privatisation de la guerre”) depuis le début des années 1990, il semblerait que la tendance des années 2010 soit à la privatisation des négociations de paix.

Des années 1950 aux années 1980, la diplomatie se faisait dans l’optique de l’affrontement est-ouest. Les Etats-Unis s’opposaient à l’URSS et les conflits du monde entier semblaient se régler dans les couloirs des Nations Unies alors que dans la salle du Conseil de Sécurité les deux entités s’opposaient à coup de droit de véto.
Avec la chute de l’URSS, la fin de la guerre froide et la fin de l’hégémonie des deux entités dans leur sphère d’influence, l’ONU est devenue plus démocratique, les États réglaient leurs différents entre eux sauf quand l’une des grandes puissances avait son mot à dire et bloquait le processus. Les indépendances se faisaient sous l’égide de l’ONU (Timor-Oriental, Yougoslavie) bien que celle-ci peinait sous la difficulté de la tâche à accomplir.
Au début des années 2000 et particulièrement après le 11 septembre 2001, la diplomatie américaine est devenue plus agressive. George W. Bush est bien passé par les Nations Unies pour déclarer la guerre aux Talibans mais il s’en passera deux ans plus tard pour attaquer Saddam Hussein. Vladimir Poutine de son côté pratiquait alors la diplomatie du gaz et se servait des pipelines comme armes économiques.
L’ONU est alors perçue comme trop lente dans un monde où tout va toujours plus vite. La multiplication des acteurs de la scène politique (groupes indépendantistes, groupes terroristes, entreprises multinationales, États, ONG, etc.), couplée à l’apparition de nouvelles règles éthiques dans les négociations et à l’omniprésence des médias, a poussé les États à sous-traités une partie des négociations de pays à des groupes privés (ONG ou fondations).

Les leaders sur ce marché sont : la Crisis Management Initiative une ONG basée à Helsinki en Finlande, le Carter Centre’s Conflict Resolution Programme fondé par l’ancien président américain Jimmy Carter en 1982, le United States Institute of Peace institution américaine non-partisane fondée par le Congrès en 1984 et la fondation suisse Centre for Humanitarian Dialogue créée en 1999.

La privatisation présente évidement de nombreux avantages.
Un sous-traitant privé est engagé dans un but bien précis, faire avancer les négociations entre deux acteurs sur un terrain délimité. Les objectifs sont clairs et les négociateurs n’ont pas d’autres buts que ceux définis par la mission. Pas d’agenda politique caché, de désir de se faire bien voir par tel ou tel partie prenante.

Les négociateurs ont une certaines liberté d’actions puisqu’ils ne sont pas contraint par les règles de la diplomatie nationale ni la bureaucratie qui caractérisent bien souvent les ministères de affaires étrangères de par le monde. Les Américains ne négocient pas avec les terroristes de peur de leur donner une légitimité en s’asseyant à la même table qu’eux. Ils sous-traitent donc les négociations avec les Talibans ou le Hamas en particulier avec la fondation Centre for Humanitarian Dialogue. Les pourparlers sont organisés dans des pays européens connus pour leur neutralité (Norvège, Suisse, etc.) et l’honneur est sauf.

Cette faculté d’adaptation dans le choix des interlocuteurs est,ce qui fait le succès de ces groupes privés de négociations. Plutôt que de négocier d’État à État, une ONG va négocier avec une autre ONG puis avec un chef politique local, etc., pour contourner les canaux habituels quand ceux-ci sont bloqués. C’est le cas aujourd’hui en Libye où des tribus rivales, mais aussi le comité national de transition ou encore les forces pro-kadhafi cherchent tous à tirer leur épingle du jeu.

Mais ces sociétés ne sont pas aussi puissantes qu’un État. Elles ne peuvent pas demander de sanctions, déclarer d’embargo, ni user de la menace des armes. Le seul atout dans leur manche est de pouvoir abandonner les négociations, au risque de perdre leurs subventions. Elles n’ont rien à offrir non plus pour «encourager» les parties à accepter l’accord, si ce n’est la seule récompense de la paix.

La diplomatie et en particulier la négociation de paix est un processus long et complexe. Seul un État à toutes les cartes en main pour négocier un traité de paix entre deux partes. Mais le changement de vitesse de la politique et la volonté de résultats concret pour nourrir la communication des chefs d’États lancés dans une compétition mondiale acharnée, expliquent peut être pourquoi la privatisation est en cours. En cas d’échec, le contrat de l’entreprise n’est pas renouvelé et en cas de succès, le mérite revient aux diplomates officiels. Cette diplomatie privée reste dans l’ombre qui en fait sa force et sa faiblesse.

Sources :
- Wikipédia, l’encyclopédie libre
- "Privatising peace" – The Economist30 juin 2011 http://www.economist.com/node/18895458
- “La négociation de paix se privatise”– Slate – 4 juillet 2011 http://www.slate.fr/lien/40607/negociation-paix-privee

Par AD

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