En 1989, juste avant la chute du mur de Berlin, le Corps des Marines des Etats-Unis d’Amérique, conscient que le mode de guerre avait changé, commanda à des experts un rapport sur la nouvelle génération de guerre. Les conclusions de ce groupe ont été rassemblées dans un article publié dans le Marine Corps Gazette en 1989, aujourd’hui ces théories sont toujours d’actualité peut-être même plus que jamais puisque des exemplaires de cet article ont été retrouvés à Tora Bora en Afghanistan, le sanctuaire pour un temps d’Al Qaïda.
Alors que la guerre froide touchait à sa fin, les Etats-Unis se sentant victorieux commençaient déjà à tirer les conséquences de cette nouvelle guerre.
En effet, à coté de la course aux armements la guerre froide a été également le début des conflits délocalisés qui se sont par la suite mondialisés.
Les auteurs rassemblés, venants de l’armée de Terre Américaine, du corps des Marines ainsi qu’un expert en stratégie, ont développé la théorie des générations de guerre.
La première est celle des lignes et des colonnes. L’arme principale étant le mousquet, pour concentrer la puissance de feu les soldats devaient s’ordonner et suivre attentivement les ordres.
La deuxième, développée par l’armée française pendant la première guerre mondiale se résume à la phrase suivante : l’artillerie conquiert et l’infanterie occupe. Cette stratégie se retrouve encore de nos jours lorsque l’on voit des bombardements d’aviation intenses précédant le déploiement des fantassins sur le champ de bataille.
La troisième a été inventée par l’armée allemande pour la seconde guerre mondiale. Les allemands l’appellent le Blitzkrieg. Le principe n’est plus la puissance de feu mais la vitesse, la surprise et la désorganisation, tant mentale que physique de l’ennemi. Il s’agit du premier type de conflit non-linéaire. L’initiative personnelle prévaut sur le respect des ordres.
La première remarque faite sur les conflits modernes est que ceux-ci n’opposent plus des Etats mais des idéologies. Le but n’est plus d’occuper un territoire ni de défaire une armée mais de faire en sorte que l’idéologie triomphe. Les cibles ne sont plus les armées mais les civils, les institutions, les usines, les centres culturels et ainsi de suite. La distinction entre militaire et civil n’a plus lieu d’être, la société et ses valeurs sont la cible.
Les auteurs ont proposé deux modèles d’évolution des conflits, l’une basée sur la technologie et l’autre qui serait sur le terrain des idéaux.
La technologie permettra d’attaquer les cibles plus diverses avec un éventail plus large d’armes. Jusqu’à présent les armes étaient de plus en plus meurtrières mais aujourd’hui la bataille ne se gagne pas forcément en tuant le plus de personnes. Ainsi, les bombes électroniques comme les impulsions électromagnétiques qui permettraient d’anéantir technologiquement une région ou une nation s’ajoutent aux armes classiques. On pourrait voir l’émergence d’une guerre informatique. Egalement, l’apparition d’engins sans pilotes permet d’envisager une guerre ou personne ne serait tué mais la défaite viendrait de l’impossibilité industrielle de riposter.
Des éléments isolés composés de soldats assistés d’une technologie guerrière de pointe seraient bien plus dangereux qu’une colonne de chars ou même qu’une attaque nucléaire. En effet, des soldats infiltrés derrières les lignes auraient vite fait de rendre inutiles de telles installations.
La doctrine est celle de la désagrégation de l’ennemi de l’intérieur, ce qui amène la deuxième possibilité.
Si la technologie est le premier moteur de la guerre future, les idéologies sont au moins aussi importantes. On voit aujourd’hui le terrorisme international se baser sur le conflit idéologique.
En effet, les terroristes utilisent les libertés qui sont données par les sociétés occidentales pour les détruire de l’intérieur. La libre circulation des personnes, des capitaux et des informations sont un outil puissant pour le terrorisme. Ils sont défendus par les droits qui nous protègent de la guerre civile. En fait, le terrorisme amène à une ambiguïté de politique. Si nous n’agissons pas, ils continueront sans être inquiétés, si nous appliquons les même règles qu’eux nous abandonnons se pourquoi nous nous battions à l’origine.
Pour les auteurs, la quatrième génération de conflits est donc quelque part entre l’utilisation massive de la technologie et la bataille idéologique.
Il s’agit d’un conflit avec une entité non-nationale ou transnationale basée sur une idéologie forte comme une religion ou une idéologie politique partagée qui pourrait se procurer une technologie qui permettrait d’attaquer culturellement une autre entité du même genre.
III) Implications :
Si l’on tient compte de ce qui vient d’être dit, on pourrait être tenté de penser que la guerre que nous vivons aujourd’hui est l’incarnation de cette doctrine. Analysons donc un peu plus en détail cette idée.
Nous voyons aujourd’hui des groupes non-étatiques se battre contre des Etats. Les FARC en Colombie, le Hamas en Palestine, le Hezbollah au Liban et bien sûr Al Qaïda en Irak, au Pakistan et en Afghanistan. Presque partout l’Etat peine à prendre l’avantage.
Les problèmes ne se situent pas sur la puissance de tel ou tel état mais sur la manière de l’utiliser.
Le meilleur exemple de ça est peut être la situation en Irak où cinq ans après la libération, les Américains n’ont pas réussi à reconstruire politiquement le pays qui est maintenant à feu et à sang. Les Américains ont commencés par bombarder le pays puis l’ont occupé en se préoccupant uniquement de la sécurité et non pas de l’aspect psychologique de leur arrivée. Aujourd’hui, ils sont faces à des groupes religieux qui sont insaisissables et qui poussent les Américains à s’en prendre aux populations civiles. Les Américains n’ont pas cherché à se fondre dans la population.
Hors de cet exemple, on voit bien dans la vie de tous les jours comment des groupes réduits peuvent s’en prendre à un état puissant, le 11 septembre 2001 est peut être l’exemple le plus flagrant mais également l’assassinat de Rafik Hariri montre que personne n’est vraiment à l’abri.
Les FARC, le Hamas également ont de beaux jours devant eux puisque personne ne prend vraiment le temps de les combattre sur leur terrain de prédilection, la guerre des cœurs et des esprits. Les pays occidentaux ne gagneront que s’ils décident que toute la population doit participer à ce combat qui les concerne tout autant que les militaires. Les populations de ces Etats aussi bien que la population du pays où un groupe combattant notre vision des choses est installée.
IV) Vers une nouvelle organisation :
Que devons nous retenir de tout ceci ?
Premièrement que nos armées ne sont plus réellement conçues pour ce genre de conflits. Les Armées devraient peut-être se décomposer en deux entités complémentaires, d’une part des troupes d’opérations spéciales qui se chargeront des quelques éléments armés et d’un groupe plus nombreux de soldats qui saurons que la bataille se gagne en conquérant la bienveillance de la population locale à son égard. Cela implique une armée à deux vitesses et une armée plus tournée vers l’humanitaire et le soutient qu’une armée guerrière.
Deuxièmement, les politiques doivent toujours prévoir l’après conflit avant même que celui-ci n’aie commencé. On demandera de plus en plus aux politiques d’anticiper les problèmes que de les résoudre que ce soit à l’étranger ou sur leur propre territoire, il ne faut pas oublier que le terrorisme se base sur les libertés que nous lui donnons d’exister.
Troisièmement, l’industrie militaire doit s’adapter aux nouvelles exigences des conflits. La production en masse de chars, de bombardiers, de navires démesurés n’est plus justifiée et justifiable. Bien sûr les sous-marins, les porte-avions auront toujours leur place mais leur fonction doit évoluer.
Ils doivent devenir des outils de projection de puissance ponctuelle et des navires de soutient aux populations, comme se fut le cas de
Sources :
- The Changing Face of War: Into the Fourth Generation, William S. Lind, Colonel Keith Nightengale (US Army), Captain John F. Schmitt (US Marine Corps), Colonel Joseph W. Sutton (US Army) and Lieutenant Colonel Gary I. Wilson (US Marine Corps), Marine Corps Gazette, Octobre 1989.
- Understanding Fourth Generation War, William S. Lind, January 15, 2004.
Par AD pour GlobalAnalysis France
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