Historique
En 1943, en pleine Seconde Guerre Mondiale les États-Unis et le Royaume-Uni signent un accord de coopération dans l’interception des communications, l'accord Brusa. La machine Enigma, fleuron de la cryptographie nazie, ne résiste pas à cette alliance. Pour pérenniser cette entente au sortir de la guerre, ces deux pays signent en 1947 le traité UKUSA (United-Kingdom – United States of America). Ils sont rapidement rejoints par le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Des pays tiers (l'Allemagne, la Norvège, la Turquie) signent ensuite des traités similaires avec les Etats-Unis, bénéficiant ainsi d'un accès restreint au réseau UKUSA.
Pendant les premières années, les pays membres de l'UKUSA se sont cantonnés à l’interception des messages entrant et sortant de leurs territoires respectifs et à l’écoute de certains pays limitrophes. Mais dans le cadre de la guerre froide, ils développent rapidement des outils plus performants, et à plus grand rayon d’action. Au milieu des années 1970, la première base Echelon voit le jour aux États-Unis. Elle sera la première d’un vaste réseau qui couvre aujourd’hui la Terre entière. Son nom est P415, mais il est plus connu sous le nom de Réseau ECHELON.
Plusieurs pays tiers rejoindront cette alliance – tels que l’Allemagne, la Norvège, la Turquie ou la Corée du Sud. Ils n’auront toutefois qu’une importance secondaire, les cinq principaux pays de cette coalition se partageant les informations recueillies, sélectionnant celles auxquelles peuvent accéder les autres États membres et décidant quelles personnes, entreprises, ou États doivent être la cible du réseau.
Avec la fin de la Guerre Froide et l’arrivé de Bill Clinton à la Maison-Blanche, ECHELON a vraisemblablement été réorienté vers l’espionnage économique, le crime organisé et la lutte contre le terrorisme.
Le nœud central du réseau ECHELON est le quartier général de la National Security Agency à Fort Meade dans le Maryland aux USA. L’ensemble des données interceptées est traité par la NSA et redistribuer à l’ensemble des partenaires de l’accord UKUSA.
Aujourd’hui, le réseau P415 se constitue de 8 stations au sol avérées et de 9 suspectées. Aux USA, au Royaume Uni, en Nouvelle Zélande, au Japon, en Australie, probablement au Canada, à Chypre et en Allemagne.
A cela, il faut ajouter des navires de l’US Navy (comme l’USS Pueblo) ainsi que des sous-marins qui peuvent se brancher sur les câbles déposés sur le fond des océans. Mais également des satellites en forme d’antenne parabolique entre qui mesure entre 20 et 100 mètre de large qui servent à renvoyer les signaux des satellites de télécommunication vers les stations d’interception au sol.
D’après la chronologie qui a pu être reconstitué, suppose que les capacités d’interceptions nouvelles ont été ajoutées au fur et à mesure. Au départ le réseau interceptait les signaux haute-fréquence (HF) puis en 1965 les câbles sous-marins. En 1968, les micro-ondes (donc les téléphones portables ou le Wifi) puis dans les années 1970 les satellites privés de télécommunication (Intelsat, Inmarsat, etc.), dans les années 1980 les réseaux numériques, dans les années 1990, les fibres optiques puis en 2000, Internet dans son ensemble.
ECHELON dans le jargon de la NSA désignerait en fait le réseau d’ordinateurs permettant d’analyser le contenu des informations interceptées. La NSA utilise une puissance de calcul sans commune mesure et est le plus gros client de superordinateurs au monde. Ces ordinateurs analysent le contenu des messages en ‘lisant’ les mots dans les e-mails, fax, sites internet et en utilisant la reconnaissance vocale pour les messages audio. Le système fonctionnerait à partir de mots-clés qui sont programmés dans un logiciel de dictionnaire et ces mots-clés sont recherchés dans la plupart des langues du monde dans le contenu des messages interceptés. Les mots-clés peuvent être modifiés à volonté en fonction des recherches à effectuer. Les messages contenant un certain nombre de mots-clés sont ensuite envoyer vers un analyste/linguiste pour une analyse plus poussée.
Utilisation/controverse
En théorie, ECHELON permet d’accéder à toute communication quel que soit la forme pourvu que son contenu soit considérer comme intéressant par les dictionnaires de mots-clés.
Cela permet d’avoir accès aux communications diplomatiques, à celle entre terroristes ou membres du crime organisé (trafiquants de drogue, mafias, etc.). Un exemple récent est l’utilisation par Scotland Yard des données recueillit par ECHELON dans l’affaire de l'enlèvement de la fillette Madeleine McCann au Portugal.
Mais du fait de la puissance théorique d’un tel outil on assiste inévitablement à des dérives. Du fait même que toutes les communications sont interceptées, les communications entre entreprises peuvent être analysées. On peut citer différentes affaires d’espionnage économique qui ont été dévoilées par divers journalistes. En 1994, Thomson CSF (aujourd’hui Thales) et Raytheon sont en concurrence pour la construction d’un système de surveillance de la forêt amazonienne. La NSA intercepte les offres faites par l’entreprise française et les communiquent à Raytheon qui emporte ainsi le marché. La même année lors des négociations du GATT les e-mails entre les représentants européens sont interceptés et transmis à l’équipe américaine. Toujours en 1994, des éléments techniques liés à la construction d’éoliennes sont volé à l’entreprise allemande Enercon vraisemblablement par l’intermédiaire d’ECHELON.
En 2002, un rapport du Parlement européen révèle que les américains avaient connaissance du mode de cryptage des données du Parlement depuis plusieurs années.
De part le fait qu’il utilise un réseau d’agences gouvernementales dans différents pays ECHELON permet de contourner les obligations légales. En effet, le Congrès américains interdit (en règle générale, comme nous allons le voir il y a des exceptions) à la NSA (ainsi que la CIA) toute activité sur son territoire ou à l’encontre des citoyens. De même, la loi anglaise interdit au GCHQ d’espionner les sujets britanniques. L’accord international permet au GCHQ de demander à la NSA d’espionner des britanniques et inversement.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (voir AD– « Un an de présidence Obama : le point sur la guerre contre la Terreur » - GlobalAnalysis France – 20 janvier 2010), George W. Bush a autorisé par Executive Order la NSA à intercepter sans mandat judiciaire les appels téléphoniques, les courriels, l'activité internet et tout autre moyen de communication si la NSA croit que l'un des interlocuteurs est hors des États-Unis. En date de janvier 2009, l'étendue du programme n'est pas connue, mais plusieurs importantes sociétés de télécommunications y ont participé.
Alberto Gonzales, attorney general des États-Unis, a affirmé que le programme permet de conduire des surveillances sans mandats judiciaires quand le gouvernement a « un soupçon raisonnable de conclure que l'une des entités de la communication est membre d'Al Qaïda, est affilié à Al Qaïda, est membre d'un groupe affilié à Al Qaïda ou favorise les activités d'Al Qaïda », et que cette entité est hors des États-Unis. A l’heure actuelle, il s’agit d’une des rares mesures prises par George Bush dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui n’ait pas été abandonné par l’administration Obama.
Analyse et perspectives
Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’ECHELON n’a pas permis d’empêcher le 11-septembre, ni même de vaincre Al Qaida. Cela est dut au fait que les terroristes de ce réseau n’utilise que très peu les moyens de communication électronique et quand ils le font, parlent par code ou par métaphores. Les systèmes de mots-clés ne peuvent donc plus fonctionner. L’une des évolutions majeure que doit suivre ECHELON est la recherche contextuelle. Cela pose le problème de la compréhension par les ordinateurs d’une conversation humaine. De plus, ECHELON, s’il veut être efficace doit pouvoir faire cette recherche dans de nombreuses langues, si ce n’est toutes les langues parlées dans le monde.
Cela amène également le problème du volume d’informations à traiter, mais également de la multiplication des supports. Tout cela amène inévitablement à une demande de plus en plus grande de puissance de calcul.
D’un point de vu ‘utilisateur’, ce que l’on peut attendre des évolutions futures, ce serait l’identification vocale en temps réel. Lorsqu’une conversation est interceptée, il faut pouvoir identifier avec certitude les interlocuteurs.
D’autre part, pour des raisons de souveraineté sur le réseau on peut imaginer que la NSA cherche à se passer des stations au sol dans les pays étrangers. Dans ce cas, une hypothèse serait l’utilisation de drones qui jouerait le rôle de relais au sol et intercepterait les communications avant de les renvoyés à la NSA par satellite.
Glossaire
Attorney General : il s’agit membre du Cabinet du président des États-Unis. Il dirige le département de la Justice (DoJ) et est chargé du ministère public près les juridictions fédérales, assiste et plaide pour l'État dans les actions administratives, responsable de l'application des lois d'immigration et administre les prisons. Le procureur général est nommé par le président des États-Unis après ratification par le Sénat.
Enigma : il s’agit machine électromécanique portable d'origine allemande, faisant appel à des rotors montés sur cylindres pour le chiffrement et le déchiffrement de l'information. Elle fut utilisée par les Nazies pour crypter leurs communications.
Executive Order : ce terme désigne une directive écrite de la main du Président des États-Unis, c'est-à-dire de la plus haute autorité du pouvoir exécutif américain. Cela équivaut aux décrets présidentiels en France.
GATT : General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), en français Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, est un accord multilatéral de libre-échange censé faire baisser les prix pour les consommateurs, mieux utiliser les facteurs de production et favoriser l'emploi dans les secteurs où chaque pays détient un avantage comparatif.
GCHQ : Government Communication HeadQuarter est le service de renseignement électronique du Royaume Uni.
NSA : National Security Agency est l’agence chargée de la collecte de renseignement électronique aux USA.
Sources
- Wikipédia, l’encyclopédie libre
- Réseau échelon - http://reseau.echelon.free.fr/reseau.echelon/index.html
- Philippe Rivière – « Le système échelon » - Le Monde diplomatique – juillet 1999
- Schmid, Gerhard - "On the existence of a global system for the interception of private and commercial communications (ECHELON interception system), (2001/2098(INI))" - European Parliament: Temporary Committee on the ECHELON Interception System - 11 juillet 2001
- AD – « Un an de présidence Obama : le point sur la guerre contre la Terreur » - GlobalAnalysis France – 20 janvier 2010 http://sites.google.com/site/globalanalysisfrance/problematiques-contemporaines/obama/gwot
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