Ce blog traite de géopolitique, des problèmes de relations internationales, de stratégie et des technologies qui s'y rapportent.
vendredi 26 novembre 2010
Al Qaida aujourd’hui
Aujourd’hui Al-Qaïda revient sur le devant de la scène avec les prises d’otages et les enlèvements dans le Sahel ainsi qu’avec un ensemble de colis piéger voyageant par avion depuis le Yémen jusqu’au États-Unis ou l’Europe.
Le temps est donc venu de faire un point sur ce que l’on sait sur Al-Qaïda presque dix ans après son apparition spectaculaire sur la scène mondiale.
Selon toute vraisemblance Al-Qaïda en tant que structure centrale organisant le recrutement, la formation, la planification et l’exécution des actes terroristes est mort lorsqu’il a été chassé de son sanctuaire afghan par les troupes de l’OTAN entre fin 2001 et début 2002.
Les combattants qui se sont réfugiés dans les montagnes à la frontière afghano-pakistanaise sont affiliés à Al-Qaïda mais ne forme plus un groupe salafiste cherchant à instaurer un Califat mondial. Il s’agit de militants qui se battent pour leur survie aussi bien politique que physique.
Les références à Al-Qaïda dans l’actualité se font via deux ‘franchises’. Al-Qaïda au Maghreb Islamique qui est actif dans la zone d’influence historique européenne et en particulier française et Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique qui menace particulièrement les USA.
Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI)
AQMI est né officiellement le 25 janvier 2007 lorsque le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) annonce son alliance au groupe d’Oussama Ben Laden. Il s’agit pour les membres du GSPC de donner une nouvelle dynamique au groupe qui était miné par son incapacité à trouver des soutiens idéologiques auprès d’oulémas.
L’allégeance au groupe de Ben Laden permet de donner au combat du GSPC une résonance internationale et devenir ainsi une franchise ou un sous-traitant de la terreur en appliquant les méthodes apprises dans les camps afghan avant la chute des Talibans.
Le groupe serait composé d’environ 200 personnes, sa zone d’opération s’est étendue et correspond aujourd’hui à la région désertique du Sahel qui s’étend des régions semi-arides du Sénégal jusqu’à certaines parties de la Mauritanie, du Mali et du Niger.
Le message de l’émir Abdelmalek Droukdal, commandant AQMI, sommant la France de négocier la libération des otages directement avec Ben Laden est surprenant et laisse penser qu’AQMI s’intègre de plus en plus à la structure mère.
Celui-ci peut avoir plusieurs raisons :
- Soit le message est à prendre au pied de la lettre et AQMI montre son allégeance profonde au fondateur du mouvement et cherche à attirer l’attention internationale après les actes retentissants d’AQPA.
- Soit le message n’est qu’un leurre qui rassure les plus fervents militants et sauve la face pendant qu’il négocie avec les autorités françaises.
- Ou alors, et c’est notre hypothèse préférée, Droukdal se défausse sur Ben Laden pour gagner du temps dans les négociations voire pour se décharger de la responsabilité de la mort des otages.
Dans tous les cas cela permet de renforcer l'image de Ben Laden qui est donné pour mort par la plupart des services de renseignement.
Al-Qaïda pour la Péninsule Arabique (AQPA)
AQPA a été formé officiellement en janvier 2009 après la fusion d’Al-Qaïda au Yémen et Al-Qaïda en Arabie Saoudite, ce dernier ayant été chassé du royaume saoudien et ayant trouvé refuge au Yémen.
Ce groupe poursuit les objectifs originels de Ben Laden qui sont l’abdication du régime saoudien et la lutte contre les États-Unis.
AQPA a revendiqué l’attentat raté d’Omar Farouk Abdulmutallab dans un avion reliant Amsterdam à Detroit où il avait tenté de faire détoner une poudre explosive contenue dans ses sous-vêtements ainsi que l’envoie de colis piégé le 29 octobre 2010.
Le groupe aurait plusieurs centaines de membres et est actif principalement au Yémen où il se nourrit des guerres tribales préexistantes. Ce terreau d'extrémisme permet au mouvement de disposé d'une base arrière relativement stable pour planifier des attentats à l'échelle mondiale.
Les autres Jihad locaux
D’autres groupes jihadistes régionaux s’inspirent de la mouvance Al-Qaïda. C’est le cas notamment en Afrique de l'Ouest, en Asie Centrale, dans le Caucase ou encore en Asie du Sud-Ouest.
Après la chute de sanctuaire afghan et la fermeture des camps d’entrainement les recrues sont retournées dans leur pays d’origine et ont appliquées la méthode qui leur avait été enseignées aux problématiques régionales auxquels ils se trouvent confrontés tout en déclarant le Jihad mondial pour bénéficier des soutiens financier des diasporas et des États soutenant la lutte contre l'Ennemi Lointain.
D’une manière générale, il semble qu’aujourd’hui Al-Qaïda soit plus une marque de fabrique, une franchise utilisée par des groupes poursuivant des objectifs tous régionaux mais qui se réclament d’un Jihad mondial pour attirer plus de fonds et de recrues. Cette marque de fabrique se compose de plusieurs éléments opérationnels. Le premier d'entre eux est l'utilisation des attaques suicides mais également de d'engins explosifs improvisés. Puis des éléments de communication, perpétrer des attentats à fort impact politique et non plus opérationnel (attaque de symboles politiques plus que d'objectifs militaires), communiquer fortement autour de ces attaques (diffuser des vidéos dans la langue du pays visé mais également en arabe et en anglais pour recruter en dehors du cercle national et valoriser les autres mouvements du réseau) et enfin ne pas attaque uniquement le régime visé mais également ses alliés dans le monde (le plus souvent les USA ou des États européens). Puis l'évolution finale : créer une résistance sans leader qui permettra au groupe de survivre à la disparition du fondateur du mouvement.
Et c'est ce qui caractérise Al-Qaïda aujourd'hui. La présence d'Oussama Ben Laden n'est plus requise puisque des leaders locaux sont apparus pour reprendre son message et l'adapter à chaque situation opérationnelle.
Al-Qaïda aujourd'hui est une marque de fabrique, un réseau de groupes qui partagent, en partie, un même but. Cette adaptation est due à la perte du sanctuaire afghan ainsi qu'à la disparition médiatique (et probablement physique) du leader charismatique Oussama Ben Laden.
Pour aller plus loin :
- AD – «Les enjeux du Yémen » – GlobalAnalysis France – 13 janvier 2010
http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2010/01/les-enjeux-du-yemen.html
- AD – «Al-Qaida au Maghreb islamique et les otages français : questions réponses » – GlobalAnalysis France –24 septembre 2010 http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2010/09/al-qaida-au-maghreb-islamique-et-les.html
- AD – « Les opérations paramilitaires de la CIA aujourd’hui » – GlobalAnalysis France – 17 novembre 2010 http://globalanalysisfrance.blogspot.com/2010/11/les-operations-paramilitaires-de-la-cia.html
Par AD
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